L’arrêté du 9 mars 2023 portant sur les nouvelles dates de pêche de l’anguille (1) devait appliquer le règlement européen du 30 janvier 2023 établissant, pour 2023, les possibilités de pêche dans les eaux de l’Union (2). L’objectif officiel était de “mieux protéger” l’anguille, notamment en appliquant des fermetures de pêche qui tiennent compte des période de migration des civelles (alevins d’anguille) et des anguilles argentées(anguilles sur le point de disparaître en haute mer pour s’y reproduire).
Pour cela, le règlement européen détermine une fermeture de 3 moiset impose une autre période de fermeture de 3 mois que l’Etat membre devait choisir au sein de d’un calendrier contraint selon les zones de pêche.
La France en a profité pour fixer des périodes de pêche qui consolident la pêche. Un examen au cas par cas constate que la plus part des nouvelles périodes de pêche litigieuses favorisent la pêche des divers stades de vie de l’anguile au détriment de la protecion de l’espèce, comme on le constate facilement sur les tableaux colorés en annexe de ce communiqué.
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Pour la pêche de la civelle dans le golfe de Gascogne, le règlement européen impose une fermeture au premier trimestre 2024 (pic migratoire) et une fermeture de 3 mois supplémentaire à choisir de mars à décembre 2023. Par dérogation, la France pouvait prévoir un mois de pêche pour la consommation au premier trimestre 2024, voire même un second mois pour la pêche au repeuplement à condition de prévoir un septième voire un huitième mois de fermeture. Au minimum, un mois de fermeture devait persister au premier trimestre 2024. Dans l’unité de gestion Loire, Côtiers vendéens et sèvre niortaise, qui s’arroge 50% des captures, la France a autorisé les captures pendant la totalité du trimestre 2024, ce qui est formellement exclu.
Même constat en Seine-Normandie et en Garonne -Dordogne - Charente - Gironde. En Artois Picardie, l’autorisation de pêche du 11 février au 31 mars est trop longue. -
Pour l’anguille jaune en zone CIEM VII (au nord de la pointe du Raz), le règlement européen impose une fermeture obligatoire de septembre à novembre 2023 et une fermeture de 3 mois supplémentaire à choisir de mars à juillet et décembre 2023
Dans l’unité de gestion Bretagne (nord), la France a prévu une fermeture supplémentaire de 2 mois 1/2 seulement. Dans les unités Artois-Picardie et Seine-Normandie, la fermeture supplémentaire n’est que de 1 mois 1/2.
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Pour l’anguille jaune en zone CIEM VIII (Golf de Gascogne), le règlement européen impose une fermeture de novembre 2023 à janvier 2024 et une fermeture suplémentaire à choisir de mars à septembre 2023.
Dans unités de gestion Garonne -Dordogne - Charente - Gironde et Adour-cours d’eau côtiers, la France a fixé une fermeture supplémentaire de un mois seulement. -
Pour l’anguille argentée, La France a augmenté la période de pêche initiale de 1 mois, la portant de 5 à 6 mois. Le juge de référé, pourtant “juge de l’évidence” n’a pas retenu le doute sur la légalité sur cette extension de pêche.
En définitive, le Conseil d’Etat valide les suspensions demandées par DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES pour les civelles et les anguilles jaunes. Le jugement ménage la pêche en suspendant les dispositions de la civelle qu’à partir de fin mai 2023 mais invite l’Etat a revoir sa copie le plus rapidement possible.
De son côté, l’association va muscler ses conclusions au fond en ce qui concerne l’anguille jaune méditerranéenne et espère durcir le jugement au fond à venir en faveur de toutes les anguilles adultes.
En conclusion, le Conseil des ministres européens a sévèrement affaibli la fermeture de 6 mois consécutifs proposée par la commission européenne en la remplaçant par une fermeture d’une durée totale de 6 mois, beaucoup plus accommodante. Le règlement européen a aussi multiplié les clauses particulières à la façon d’une feuille d’impots presque illisible. La France a alors cru pouvoir jouer de cette complexité comme d’un nuae de fumée pour fixer les dates de pêche favorisant encore davantage la pêche de l’anguille au lieu de ”mieux protéger” l’espèce.
Par ce jugement du Conseil d’Etat, DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES entend répondre au secrétaire d’Etat chargé de la mer Hervé Berville, qui avait déclaré le 13 décembre 2022 être “opposé aux solutions proposées par la sommission européenne qui précconisait une fermeture totale de cette pêche en Atlantique et en Méditerranée. Hervé Berville s’était vanté d’avoir obtenu la possibilité d’adapter la nouvelle période de fermeture de 6 mois (de manière consécutive ou non, selon les stades de développement de l’espèce et en fonction des différentes zones géographiques) pour ”maintenir une pêche adaptée à chaque bassin“.
Philippe GARCIA
ANNEXE : TABLEAUX COMPARATIFS DES PERIODES DE PECHE