Un élu qui veut promouvoir le manger local et relancer une économie en déclin, enfin une bonne nouvelle nous direz-vous ! Mais ne vous réjouissez pas trop vite, car cette information n’a rien d’une bonne nouvelle, bien au contraire…
Voici la dernière idée de Philippe BUISSON, le président de la Communauté d’agglomération du Libournais (la CALI), exposée dans un article publié par le journal Sud Ouest le 7 janvier (https://www.sudouest.fr/.../libournais-du-silure-bientot...) : "Je veux travailler sur la valorisation du silure qui pullule dans nos rivières et est considéré comme nuisible. Or, c’est un poisson dont la qualité gastronomique commence à être reconnue", assure le président Philippe Buisson. "Je souhaite qu’on en fasse manger rapidement à nos enfants." L’élu ambitionne que cela devienne un débouché économique pour les pêcheurs professionnels du territoire qui seraient encore une cinquantaine. Une rencontre est ainsi prévue le 15 janvier pour en parler avec eux.
Ce raisonnement est aussi simpliste que typique du fonctionnement de nos sociétés modernes qui n'en finissent pas d'aller de Charybde en Scylla.
La réalité, que Philippe BUISSON semble ignorer, est que nous avons massivement pollué notre environnement avec toutes sortes de molécules, notamment les fameux PCB ou pyralènes, des substances quasiment non dégradables et qui s’accumulent dans la graisse des poissons. Et il s’avère que le silure fait partie des espèces les plus fortement bio accumulatrices d’eau douce. Les PCB étant non dégradables, ils s’accumulent dans les chairs durant toute la vie du poisson, un facteur encore aggravant, car le silure a une espérance de vie très longue, entre 40 et 50 ans environ.
Quels sont les risques liés à la consommation de PCB ? L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) écrit : "Il a été démontré qu'une exposition à long terme à ces substances engendrait divers effets nocifs sur les systèmes nerveux, immunitaire et endocrinien et altérait la fonction reproductive. Elles peuvent également entraîner des cancers. »
L'étude slovaque PCBRISK rapporte les effets observés : 1. "Chez les adultes les plus fortement exposés : des modifications des paramètres de l’exploration fonctionnelle de la thyroïde (...) des perturbations du métabolisme du glucose. 2. Chez les enfants : des altérations du développement mental et moteur (hyperactivité, capacités sensorimotrices et mnésiques, etc.), des troubles de l’audition des perturbations de la formation de l’émail dentaire."
C’est pour cela que la vente des poissons d'eau douce dont la teneur en PCB est supérieure à 125 ng/g est interdite dans l'Union européenne.
Beaucoup plus grave, EPIDOR a montré lors d’une étude réalisée sur la rivière Dordogne (la même rivière qui passe à Libourne) que des taux « réglementaires » inférieurs à 125 ng/g dans le dos du silure peuvent être 10 à 20 fois supérieurs dans la queue… du même individu. Jusqu’à plus de 2000 ng/g, soit plus de 16 fois la norme maximale.
Pour finir, voici les recommandations de l’Anses concernant la consommation des poissons fortement bio accumulateurs d’eau douce : - « La consommation de certaines espèces de poissons d’eau douce doit être limitée ou évitée. C’est notamment le cas pour les populations les plus sensibles, comme les femmes en âge de procréer et désireuses d’avoir un enfant, les femmes enceintes ou allaitantes et les jeunes enfants. En effet, au cours de la grossesse et jusqu’à 3 ans, le cerveau de l’enfant est particulièrement vulnérable à l’action toxique des contaminants chimiques que sont les PCB. » - « Les poissons les plus gras vivant au contact des sédiments comme l’anguille, le barbeau, la brème, la carpe ou le silure peuvent contenir des PCB, l’Anses recommande à la population générale d’en limiter leur consommation. Pour les femmes en âge de procréer et désireuses d’avoir un enfant, les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants de moins de 3 ans ainsi que les fillettes et les adolescentes, il est recommandé de ne pas les consommer. »
La crise sanitaire mondiale qui sévit depuis bientôt un an n'a manifestement toujours pas assaini les raisonnements de ces décideurs qui pensent toujours et seulement en termes économiques, au lieu de considérer la santé en priorité, surtout quand il s'agit de celle de nos enfants.