Le silure est un poisson qui avait disparu à cause des dernières glaciations, il y a environ 15 000 années. Il aurait été réintroduit à la fin du XIXième siècle dans une pisciculture. Sa propagation naturelle et artificielle a été constatée dans la totalité du territoire depuis déjà quelques dizaines d’années au point que ses populations étaient stabilisées un peu partout. Ce n’est pas une espèce invasive et son comportement est celui d’un super prédateur opportuniste qui se nourrit surtout par eaux chaudes, de mars à novembre en dehors du frai de mi mai à mi juin, de ce qu’il trouve le plus abondamment comme des poissons blancs (brèmes, chevesnes, gardons, carpes par exemple) des écrevisses ( il existe cinq espèces d’écrevisses originaires d’outre-Atlantique, invasives pour le coup), ou des corbicules, petits bivalves eux aussi considérés comme invasifs.
Les barrages stoppent tous les poissons, et pas seulement les poissons migrateurs. Ces derniers ne sont pas les seuls à circuler dans les rivières : toutes les espèces le font, y compris les silures qui se retrouvent donc bloqués au pied des barrages, comme les saumons, aloses et lamproies. Cette proximité forcée que l’Homme a provoquée leur a valu d’être accusés d’avaler quelques uns de ces migrateurs.
Il n’en fallait pas davantage pour le désigner coupable : il est devenu le bouc émissaire idéal, désigné officiellement coresponsable du défaut de restauration des populations de migrateurs dont nous sommes en réalité les seuls responsables.
Au passage, l’administration communique sur sa capacité à se préoccuper des espèces en danger, et trouve de nouveaux prétextes pour des études qui sont autant d’aides publiques pour la pêche professionnelle en eau douce mais aussi pour un cercle fermé de scientifiques opportunistes. Évidemment, il n’est pas dit un mot des milliers d’alosons détruits par les systèmes de refroidissement des centrales ou de l’hécatombe de saumons dénoncée par l’association le long des côtes ou encore de la pollution chimique gravissime des eaux douces.
On ne traite pas les vrais problèmes. On communique et on subventionne à tour de bras.
L’administration décide donc une opération de régulation des silures, à l’échelle nationale, déguisée sous le nom de « pêche expérimentale » au motif de protéger les migrateurs. Au passage, elle s’assoit sur la réglementation sanitaire en multipliant par deux le plafond communautaire des terribles PCB, juste de quoi permettre la commercialisation de ces malheureux silures qui sont malgré eux des bioaccumulateurs d’autant plus efficaces qu’ils peuvent vivre des dizaines d’années.
Dès juin 2020, l’association s’est opposée à la « pêche expérimentale » en Dordogne en attaquant le premier arrêté puis le second début 2021.
Les clôtures de l’instruction des deux recours interviennent fin septembre 2021. L’audience est prévue début mars 2022. Sans explication, elle est reportée sine die au dernier moment alors que la pêche maritime au filet vient d’être annulée dans l’estuaire de la Gironde, que les Plan de gestion des poissons migrateurs de la Nouvelle-Aquitaine vont être suspendus dans le courant de ce mois de mars et que la pêche de la lamproie sera annulée début mai dans tout le bassin Garonne-Dordogne.
L’horizon s’éclaircit peut-être pour la biodiversité.