Ces espèces passent la majeure partie de leur vie d’adulte en mer mais naissent en rivière où elles reviennent se reproduire.
La pêche de l’esturgeon n’a été interdite qu’au début des années 80 alors que l’espèce avait déjà virtuellement disparue depuis l’après guerre. C’est comme cela que l’on gère la pêche en France : un dogme que l’administration n’ose écrire qu’à demi-mots dans ses mémoires en défense voudrait que la pêche ne soit jamais responsable du déclin des espèces et qu’en corollaire aucun moratoire de la pêche ne serait justifié pour contribuer à la restauration de ces dites espèces en déclin sévère.
Quand l’espèce a vraiment disparu et qu’aucune pêche n’est rentable, le moratoire qui ne gêne plus aucun pêcheur est alors décidé. L’administration en profite alors pour communiquer sur sa capacité à bien gérer les espèces en danger. Mais puisque ce moratoire a été décidé bien trop tard, il ne permet pas de restaurer les populations, pour peu que les effectifs soient passés sous un seuil irréversible, d’autant que barrage et pollutions diverses sont toujours à l’œuvre, et même plus que jamais pour les PCB, mercure, cadmium et autres métaux lourds.
C’est ce qui s’est passé en Gironde pour l’esturgeon dans les années 80, pour le saumon dans les années 90, la Grande Alose au début des années 2000 et aujourd’hui, nous sommes en train de le vivre, pour la Lamproie marine : c’est donc carton plein pour la DREAL Nouvelle-Aquitaine dont le palmarès est ainsi quasiment complet.
L’administration a ainsi démontré sa totale incapacité à restaurer et maintenir les espèces migratrices anadromes dans un état de conservation favorable pour reprendre les termes exact de la directive habitats, largement ignorée dans notre pays.
L’administration n’hésite même pas à expliquer devant les tribunaux qu’il était bien inutile d’arrêter la pêche de la Grande Alose en Gironde puisque le moratoire n’a pas fonctionné…
Le mépris du principe de précaution est total.
L’association a donc engagé plus d’une quinzaine de recours sur le sujet en ciblant les deux grands estuaires de la Nouvelle-Aquitaine, Adour et Gironde, mais aussi les licences CMEA, ces fameuses licences qui donnent le droit d’exploiter ces espèces, notamment saumons et aloses.
Sur l’Adour, nous sommes impliqués à la fois sur la partie maritime et sur la partie fluviale au nom des trois espèces saumon, alose et lamproie. Sur le bassin de la Gironde, nous sommes intervenus dans l’estuaire, à propos de l’esturgeon et de toutes les autres espèces, mais aussi sur la rivière Dordogne, la Garonne et le Lot pour la lamproie marine qui est encore autorisée à la pêche.
Nos trois recours les plus importants ont été balayés pour « irrecevabilité » : qu’à cela ne tienne, les échecs ne nous font pas peur, ni le travail, nous avons contourné les prétextes de forme et remis les couverts en déposant trois nouveaux recours « en abrogation » cette fois, mieux argumentés, plus solides et appelés à faire évoluer les réglements.
Début 2021, l’association a rassemblé une coalition d’une quinzaine d’associations pour faire comprendre à la justice qu’il fallait enfin prêter une oreille attentive à nos arguments concernant l’Adour.
Le 9 juillet 2021, à la demande de cette coalition originale et au nom du principe de précaution, le tribunal administratif de PAU a suspendu la pêche aux engins dans l’Adour fluvial en ce qui concerne Aloses et Lamproies marines.
C’est un premier pas important vers l’exclusion définitive des filets dérivants dans l’Adour et d’ailleurs.
Un effort très important est fourni à la fin de l’année 2021 : dans notre collimateur se trouvent les nouveaux plans de gestion des poissons migrateurs de la Nouvelle-Aquitaine et les arrêtés annuels de pêche dans l’Adour.
Les résultats tombent comme des rafales d’armes automatiques. Et c’est vrai que c’est la guerre pour défendre ce qui reste de nos migrateurs, une guerre parfois physiquement violente où les nuits sont courtes, les repos absents et le rythme intense.
Le 18 mars 2022, le plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de l’Adour est suspendu par le tribunal administratif de BORDEAUX. Même punition pour celui du bassin Garonne-Dordogne le 30 mars. La deuxième lame arrive le 22 avril du côté du tribunal administratif de PAU : suspension des arrêtés annuels de pêche 2022, côté landais et côté pyrénéen. La pêche du saumon est aussi suspendue pour cause de consultation publique doublement illégale.
Entre temps, en janvier 2022, la pêche maritime au filet dans l’estuaire de la Gironde est suspendue à la demande de l’association, notamment pour protéger l’esturgeon que l’association a surnommé « le Vaquita de la Gironde ». Pour cette espèce en danger critique d’extinction, la survie ne tient plus qu’à un fil et la moindre capture accidentelle nuit gravement aux efforts de conservation entrepris par les scientifiques.
Mais les préfets ne se démontent pas. En France, l’administration n’obéit qu’aux ordres des politiques, mais pas à la justice. Tous les jugements sont contestés en appel. Pendant ce temps, la pêche continue et la préfecture explique dans la presse que la pêche du saumon ne serait pas suspendue, alors qu’elle organise une consultation pour la légaliser à nouveau.
L’association répond à chacun des appels et organise une manifestation publique le 9 juillet 2022 à Bayonne pour informer le public du véritable comportement de l’administration française.