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MILIEUX AQUATIQUES

Maigre

Le maigre est un poisson bien mal nommé tant il est grand, puissant et magnifique. À peu de choses près, la seule frayère européenne est située dans l’estuaire de la Gironde. Décimé par un matraquage en règle après-guerre, l’espèce avait quasiment disparu pendant trente ans entre les années 60 et 90.

Pour des raisons non établies, l’espèce est revenue en force au début des années 2000. Mais les hommes n’avaient pas changé d’un iota dans l’intervalle et les pêcheries professionnelles et amateures lui sont tombées dessus dans une sorte de frénésie écœurante.

Aucune gestion n’a été mise en place : aucun quota, aucune limitation de capture. À la fin des années 2000, IFREMER constate que presque 90% des captures commerciales, de l’ordre d’un millier de tonnes, sont des juvéniles de moins de deux kilos, incapables de se reproduire. Son rapport parle d’une surexploitation inquiétante. Pour seul résultat, au début des années 2010, deux tailles minimales de capture sont décidées : 30 cm pour les professionnels et 45 pour les amateurs. C’est la taille de deux bébés maigres respectivement de 1 an et ½ et 2 ans ½, quelques centaines de grammes, alors que les adultes font rapidement plusieurs dizaines de kilos.

Début février 2019, l’association demande l’augmentation significative de ces deux tailles minimales insuffisantes. Nos conclusions évoquent une « gestion à l’aveugle ». Les deux arrêtés correspondants sont annulés début juillet 2020 par la décision 428271 / 428276 du conseil d’État, en même temps que celui du bar. L’administration se voit dans l’obligation de réexaminer la demande de l’association dans un délai d’un an.

Fin juin 2021, l’association exige l’exécution du jugement puisqu’elle constate qu’aucune mesure concrète n’a été prise par le gouvernement. La demande de l’association est accueillie. Une procédure juridictionnelle contre l’État est ouverte sous le numéro 458566. L’État se contente d’expliquer qu’il avait lancé une étude baptisée ACOST concernant l’estimation du stock de maigre et que certains pêcheurs avaient pris les choses en main en mélangeant des œufs et de la laitance au fond d’un seau à bord des navires de pêche …

Mi mai 2022, une douzaine d’annonces de mises en vente de navire de pêche sont publiées comme autant de réponses de dépit au projet de la Direction de la Pêche Maritime et de l’Aquaculture d’augmenter la taille minimale du maigre à 50 cm. La presse relaye. Quelques jours plus tard, l’État produit un mémoire en défense où il présente ce projet d’augmenter la taille minimale à 50 cm pour tous les pêcheurs. L’association réplique début juillet en démontrant que le projet est très insuffisant. Pour le maigre, le compte n’y est pas : il faut empêcher les interactions entre les filets et les jeunes maigres. Il faut donc placer les nourriceries hors d’atteinte des filets.

​Le 22 juillet, l’État met en ligne une consultation proposant, contrairement à ce qu’il propose dans son mémoire en défense, d’augmenter les deux tailles minimales de seulement cinq petits centimètres vers 35 et 50 cm. Un tel effort pour cinq centimètres ?

Là aussi, l’espoir repose sur la capacité du Conseil d’État à obliger l’administration à prendre les décisions de bon sens auxquelles elle se refuse en usant de tous les stratagèmes.