TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE BORDEAUX N° 2301078
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ASSOCIATION « DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES » et autres
J-M. Bayle
Juge des référés
Audience du 23 mars 2023
Ordonnance du 28 mars 2023
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le juge des référés
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 2 mars 2023 et un mémoire enregistré le 23 mars 2023
l’association Défense des milieux aquatiques, l’association « Sea Shepherd France »,
l’association Anper-Tos, l’association Accob, l’AAPPMA du gave d’Oloron, l’association
Sepanso 64, l’association « Salmo Tierra Salva Tierra » et l’association « Les Pyrénées Rebelles », représentées par Me Crecent, demandent au juge des référés, statuant à titre principal sur le fondement des articles L. 122-11 et L. 414-4 du code de l’environnement, à titre subsidiaire sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 par lequel
la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a modifié l’arrêté du 28 décembre 2021 relatif au
plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) du bassin de l’Adour, en tant qu’il
autorise la pêche aux engins et filets des saumons, des grandes aloses et des aloses feintes ;
2°) d’ordonner la publication sous huitaine au recueil des actes administratifs de la
préfecture de la région Nouvelle-Aquitaine, du dispositif de l’ordonnance à intervenir, sur le
fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 200 euros en application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’association Défense des milieux aquatiques et autres soutiennent que :
- le fleuve Adour, qui a été désigné comme site d’importance communautaire par
décision 2015-2373 du 26 novembre 2015 de la Commission, étant soumis aux dispositions de
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l’article 6 de la directive « Habitats », les mesures réglementaires qui y organisent la pêche sont
illégales faute d’avoir fait l’objet d’une évaluation favorable de l’incidence de cette activité ;
- le fleuve Adour a été désigné « Zone spéciale de conservation » et est devenu ainsi
« site Natura 2000 », par arrêté du 23 septembre 2016, ce qui a eu pour effet de rendre
immédiatement applicable l’article 6 de la directive précitée ;
- la grande alose, le saumon atlantique et la lamproie marine, qui sont présents dans
l’Adour, sont au nombre des espèces protégées visées par l’annexe II de la directive
« Habitats » ;
- le tribunal administratif de Bordeaux est territorialement compétent, par application
de l’article R. 312-1 du code de justice administrative ;
- eu égard à leur objet social, les associations requérantes justifient d’un intérêt à agir ;
- alors qu’il existe une probabilité que le PLAGEPOMI affecte de manière significative
les sites désignés « Natura 2000 », l’arrêté du 18 janvier 2023 n’a pas été précédé de
l’évaluation des incidences environnementales ;
- la condition d’urgence est satisfaite eu égard au caractère immédiat et à la gravité de
l’atteinte qui sera portée aux milieux naturels dont elles défendent la protection, dès lors que la
pêche à la grande alose et à l’alose feinte sera ouverte aux marins-pêcheurs professionnels à
compter du 1er avril 2023 et que les volumes prélevés mettront très probablement en danger ces
espèces, qui sont dans un état de conservation très défavorable ;
- il n’existe pas d’obstacle à l’indemnisation des marins-pêcheurs, l’autorité
préfectorale ne pouvant pertinemment invoquer l’intérêt public à l’exécution de l’arrêté en
cause, outre qu’il n’est pas démontré que l’interdiction de la pêche impactera de manière
significative la profession ;
- la modification du PLAGEPOMI a été instaurée illégalement au regard des
conditions posées par le V de l’article L. 414-1 et de l’article L. 414-4 du code de
l’environnement, qui transposent respectivement le paragraphe 2 et le paragraphe 3 de
l’article 6 de la directive « Habitats », en l’absence d’évaluation des incidences des pêches
professionnelle et amateur aux engins et filets du saumon, de la grande alose et de l’alose feinte ;
- l’arrêté du 28 décembre 2021 de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine
approuvant le PLAGEPOMI du bassin de l’Adour pour la période 2022-2027 comme l’arrêté
du 29 octobre 2019 de cette autorité réglementant la pêche des poissons migrateurs en mer et
dans la partie salée des fleuves et rivières du même bassin ainsi que les 2°, 4°, 5° et 6° de
l’article R. 436-45 du code de l’environnement sont contraires au paragraphe 3 de l’article 6 de
la directive « Habitats » comme au I et au IV bis de l’article L. 414-4 du code de
l’environnement, à défaut d’évaluation appropriée des incidences « Natura 2000 » ;
- l’état de conservation des espèces précitées étant reconnu comme « défavorable-
mauvais » dans le reportage établi au bénéfice de la Commission en vertu de l’article 17 de la
directive « Habitats », aucune dérogation à l’interdiction de l’activité de pêche ne pouvait être
accordée en application des articles 14 et 16 de ladite directive et du 4° de l’article L. 411-2 du
code de l’environnement ;
- l’arrêté du 18 janvier 2023, qui a pour effet de priver d’effet utile l’ordonnance du
18 mars 2022 n° 2200418 du juge des référés de ce tribunal, méconnaît l’autorité de la chose
jugée et, par suite, le droit à un recours effectif posé par l’article 6-1 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que la
limitation des périodes de pêche telle que fixée par ledit arrêté, qui n’affecte pas la pêche
maritime et est sans influence sur la quantité des prélèvements en eau douce aux engins et filets,
ne permet pas d’assurer la conservation de l’espèce grande alose, conservation qui nécessite
une interdiction de la pêche au saumon et de la truite de mer compte tenu des risques de capture
simultanée ;
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- l’arrêté en litige, qui édicte des mesures insuffisantes, méconnaît le principe de
précaution rappelé par l’article 191 alinéa 2 du traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne et énoncé à l’article 5 de la charte de l’environnement, repris par l’article L. 110-
du code de l’environnement, principe qui a justifié les décisions juridictionnelles prononcées
en 2021 et 2022.
Par une intervention enregistrée le 22 mars 2023, l’association Union des fédérations
départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour,
représentée par Me Lassort, demande au juge des référés de faire droit à la requête et de mettre
à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative.
L’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du
milieu aquatique du bassin de l’Adour soutient que :
- eu égard à son objet social, elle a intérêt à intervenir au sens de l’article R. 631-1 du
code de justice administrative ;
- compte tenu de ses statuts, conformes aux prescriptions de l’article 30 de l’arrêté du
16 janvier 2013, et alors qu’elle regroupe dix-huit fédérations départementales de pêche et de
protection des milieux aquatiques du bassin Adour Garonne, elle a également un intérêt à agir,
intérêt que, en toute hypothèse, lui confère l’article L. 434-4 du code de l’environnement, contre
une décision réglementant l’activité de pêche dans la région Nouvelle-Aquitaine ;
- elle justifie de sa capacité à agir dès lors que son bureau, organe compétent pour
décider de l’engagement d’une action en justice, a, par délibération du 19 décembre 2022,
approuvé la présente intervention ;
- les modifications du PLAGEPOMI issues de l’arrêté du 18 janvier 2023 n’instaurant
pas une limitation suffisante de la pêche à la grande alose pour assurer la conservation de
l’espèce, qui est considérée comme en danger critique depuis 2010 et dont l’état continue de se
détériorer, la condition d’urgence est satisfaite ;
- l’arrêté contesté est insuffisamment motivé au regard des articles 1er et 3 de la loi du
11 juillet 1979 ;
- l’arrêté est intervenu à la suite d’une procédure irrégulière en l’absence d’évaluation
de ses incidences, en violation de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;
- l’arrêté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions
combinées de l’article 5 de la charte de l’environnement et de l’article L. 110-1 du code de
l’environnement, qui mettent en œuvre le principe de précaution ;
- en l’absence d’évaluation tant des risques que des stocks s’agissant de la lamproie
marine, de la grande alose et de l’anguille, l’article 1er de l’arrêté contrevient à l’impératif de
protection de ces espèces ;
- l’arrêté est entaché d’une inexacte application de l’article R. 436-35 du code de
l’environnement et de l’article 2 de la directive « Habitats ».
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2022, le préfet de la région Nouvelle-
Aquitaine conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que :
- la condition d’urgence n’est pas satisfaite ;
- aucun moyen n’est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté
contesté.
Vu les autres pièces du dossier.
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Vu :
- la Constitution et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- la directive 92/43/CEE du conseil du 21 mai 1992 ;
- le règlement 1881/2006 du 19 décembre 2006 de la Commission ;
- le code de l’environnement ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les
demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Au cours de l’audience publique du 23 mars 2023 à 14h30, ont été entendus :
- le rapport de M. Bayle, juge des référés ;
- les observations de Me Crecent, représentant les associations requérantes, qui a
développé les moyens soulevés dans les écritures de ces dernières, et les observations de
M. Garcia, président de l’association Défense des milieux aquatiques ;
- les observations de Me Deniau, représentant l’association Union des fédérations
départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour, qui a
confirmé les moyens invoqués par cet intervenant au soutien de la requête ;
- les observations de Mme Blanchard, représentant le préfet de la région Nouvelle-
Aquitaine, qui a confirmé les moyens opposés en défense par cette autorité.
La parole a été donnée en dernier lieu à la défense et la clôture de l’instruction a été
prononcée à l’issue de l’audience.
Considérant ce qui suit :
- La préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a, par arrêté du 28 décembre 2021 pris
sur le fondement des articles R. 436-45 et R. 436-46 du code de l’environnement, instauré un
plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) du bassin de l’Adour pour la période
2022-2027. Par requête enregistrée sous le n° 2200418, l’association Défense des milieux
aquatiques, l’association « Sea Shepherd France », l’association Anper Tos, l’association
Accob, l’association Sepanso 64 et les associations agréées de pêches et de protection des
milieux aquatiques (AAPPMA) Basabürüa, Orthez, du gave d’Oloron, Le Pesquitt, des Baïses,
La Gaule Paloise, La Gaule Aspoise, « Salmo Tierra Salva Tierra » et Protection Haut Béarn
Environnement ont demandé au juge des référés de ce tribunal, saisi sur le fondement de
l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de cet arrêté du
28 décembre 2021 en tant qu’il autorisait la pêche aux engins et filets des saumons, aloses et
lamproies. Par une requête enregistrée sous le n° 2201151, l’association Union des fédérations
départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour a saisi
le juge des référés, sur le même fondement, de conclusions tendant à la suspension de
l’exécution de l’arrêté du 28 décembre 2021 dans son ensemble. Par ordonnance du 18 mars
2022 rendue sur ces deux requêtes, devenue définitive, le juge des référés a suspendu
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l’exécution de l’arrêté du 28 décembre 2021 en tant, seulement, que le PLAGEPOMI ne
prévoyait pas de modalités de limitation des pêches de nature à assurer la conservation des
espèces grande alose et lamproie marine, le surplus des conclusions étant rejetées. Cette
décision juridictionnelle ne faisant pas obstacle à ce que l’autorité administrative réajuste le
PLAGEPOMI pour prévoir des limitations de pêche de ces deux espèces plus restrictives,
contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, la préfète de la région
Nouvelle-Aquitaine a, par arrêté du 18 janvier 2023, procédé à une modification de ce plan,
instaurant des limitations supplémentaires pour ce qui concerne la lamproie marine, la grande
alose et le saumon atlantique, cette dernière espèce n’étant au demeurant pas concernée par la
suspension. Par la présente requête, l’association Défense des milieux aquatiques, l’association
« Sea Shepherd France », l’association Anper-Tos, l’association Accob, l’AAPPMA du gave
d’Oloron, l’association Sepanso 64, l’association « Salmo Tierra Salva Tierra » et l’association
« Les Pyrénées Re-belles » demandent au juge des référés, statuant à titre principal sur le
fondement de l’article L. 122-11 du code de l’environnement, à titre subsidiaire sur celui de
l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du
18 janvier 2023 en tant qu’il autorise la pêche aux engins et filets des saumons, des grandes
aloses et des aloses feintes. L’association Union des fédérations départementales pour la pêche
et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour est intervenue volontairement à
l’instance au soutien de la requête.
Sur l’intervention de l’association Union des fédérations départementales pour la
pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour :
- Aux termes de ses statuts, l’association Union des fédérations départementales pour
la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour, qui comprend parmi ses
adhérents les fédérations départementales de pêche et de protection des milieux aquatiques de
des départements des Landes, du Gers, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées, a pour
objet d’assurer la concertation entre les structures membres ainsi que la coordination de leurs
actions au niveau des bassins ; elle est chargée, notamment, de contribuer à la protection du
milieu aquatique et du patrimoine piscicole en soutenant des actions en faveur des poissons
grands migrateurs et peut ester en justice, le cas échéant, à la demande d’une ou des structures
adhérentes, auprès de toutes juridictions pour la défense de leurs intérêts, en particulier, pour
tout ce qui touche à la protection des milieux aquatiques. Dans ces conditions, l’association
justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. Par suite, son intervention
doit être admise.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
En ce qui concerne la demande d’application de l’article L. 122-11 du code de
l’environnement :
- Il ressort des pièces du dossier que plan de gestion des poissons migrateurs 2022-
2027 Adour et cours d’eau côtiers approuvé par l’arrêté du 28 décembre 2021 englobe les trois
secteurs hydrographiques que constituent le bassin de l’Adour, le bassin de la Nivelle et les
bassins des courants côtiers. Le plan identifie onze zones de conservation désignées « site
Natura 2000 », à savoir le « gave de Pau », le « gave de Pau et de Cauterets (gorges de
Cauterets) », « La Bidouze », « La Nive », « La Nivelle (estuaire, barthes, cours d’eau) »,
l’ « Adour », le « Gave d’Aspe et Lourdios », le « Gave d’Oloron et marais de Labastide-
Villefranche », le « Gave d’Ossau », la « Vallée de l’Adour » et les « Zones humides associées
au marais d’Orx ».
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- Aux termes de l’article L. 122-11 du code de l’environnement : « Si une requête
déposée devant la juridiction administrative contre une décision d’approbation d’un plan ou
d’un programme visé à l’article L. 122-4 est fondée sur l’absence d’évaluation
environnementale, le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de la décision
attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».
- Aux termes de l’article L. 414-1 du code précité : « (…) IV. Les sites désignés
comme zones spéciales de conservation et zones de protection spéciale par décision de
l’autorité administrative concourent, sous l’appellation commune de ” sites Natura 2000 ”, à la
formation du réseau écologique européen Natura 2000. / V. Les sites Natura 2000 font l’objet
de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long
terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont
justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l’objet de mesures de prévention
appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de
nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces… ». Aux termes de l’article L. 414-
2 de ce code : « Pour chaque site Natura 2000, un document d’objectifs définit les orientations
de gestion, les mesures prévues à l’article L. 414-1, les modalités de leur mise en œuvre et les
dispositions financières d’accompagnement ». Aux termes de l’article L. 414-4 du même
code : « I. Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000,
individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l’objet d’une évaluation de
leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après
” Evaluation des incidences Natura 2000 ” : / 1° Les documents de planification qui, sans
autoriser par eux-mêmes la réalisation d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou
d’installations, sont applicables à leur réalisation ; (…). / (…) III. Sous réserve du IV bis, les
documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou
interventions soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration
au titre d’une législation ou d’une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l’objet d’une
évaluation des incidences Natura 2000 que s’ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie
par décret en Conseil d’Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale,
arrêtée par l’autorité administrative compétente. / (…) / IV bis. Tout document de planification,
programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d’affecter de manière
significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait
l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l’autorité
administrative. / (…) IX. L’article L. 122-12 [devenu article L. 122-11] est applicable aux
décisions visées aux I à V prises sans qu’une évaluation des incidences Natura 2000 ait été
faite ».
- Compte tenu de son objet tel que défini par l’article R. 436-45 du code de
l’environnement, le plan de gestion des poissons migrateurs est au nombre des documents de
planification visés par le 1° de l’article L. 414-4 de ce code quand, dans le périmètre qu’il
définit, est inclus un site désigné Natura 2000. Il suit de là qu’en application du I de
l’article L. 414-4 dudit code, l’instauration d’un tel plan de gestion est soumise à une évaluation
préalable de ses incidences sur la conservation du site lorsqu’il est susceptible d’affecter de
manière significative les lieux. La circonstance, invoquée par le préfet de la région Nouvelle-
Aquitaine, que les plans de gestion des poissons migrateurs ne figurent pas sur l’une des listes
prévues par le III de l’article L. 414-4 est sans incidence sur l’application du I de cet article
lorsque les conditions qu’il pose sont remplies.
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- Il ressort des informations figurant dans le PLAGEPOMI que le bilan de l’espèce
saumon atlantique reste inchangé par rapport au précédent plan de gestion mais que son état
demeure préoccupant, pour être médiocre, avec une tendant à la stabilité. Par ailleurs, il est
reconnu que l’état de l’espèce grande alose est alarmant, avec une tendance encore à la
dégradation. S’agissant de l’alose feinte, le plan indique seulement que l’insuffisance des
connaissances sur cette espèce empêche de porter un avis global sur l’état de conservation. En
égard à la situation ainsi admise de ces espèces, les prescriptions du plan ne peuvent qu’être
regardées comme étant susceptibles d’avoir un effet significatif sur leur évolution au sein des
sites qui ont été désignés Natura 2000 pour assurer la conservation des habitats naturels et de
ces espèces protégées. Or, il n’est pas contesté que la modification en litige du plan de gestion
n’a pas été préalablement soumise à une évaluation de ses incidences sur la conservation desdits
sites. Dans ces conditions l’association Défense des milieux aquatiques et autres sont fondées
à demander, en application des dispositions ci-dessus rappelées de l’article L. 122-11 du code
de l’environnement, auquel renvoie le IX de l’article L. 414-4, la suspension de l’exécution de
l’arrêté du 18 janvier 2023 de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine en tant qu’il porte sur
la pêche des espèces précitées.
En ce qui concerne la demande d’application de l’article L. 521-1 du code de justice
administrative :
- Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une
décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en
réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension
de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il
est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la
légalité de la décision (…) ».
- En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d’être dit, les conclusions tendant à
l’application des dispositions précitées sont dépourvues d’objet s’agissant des zones de
conservation désignées « site Natura 2000 ».
- En second lieu, et s’agissant des autres zones qui seraient couvertes par le plan de
gestion des poissons migrateurs, aucun des moyens soulevés par l’association Défense des
milieux aquatiques et autres ne sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté
du 18 janvier 2023 en litige.
- Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la
condition d’urgence s’agissant de l’application de l’article L. 521-1 du code de justice
administrative, condition au demeurant non invoquée s’agissant de l’espèce saumon atlantique,
que l’association Défense des milieux aquatiques et autres ne sont fondées à demander la
suspension de l’arrêté précité qu’en tant qu’il porte sur les sites Natura 2000.
Sur les conclusions aux fins de publication :
- La demande de l’association Défense des milieux aquatiques et autres tendant à ce
que la présente ordonnance soit publiée dans le recueil des actes administratifs de la région
Nouvelle-Aquitaine ne peut, en l’absence de toute disposition prévoyant une telle publicité, être
accueillie.
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Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :
- D’une part, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux
conclusions de l’association Défense des milieux aquatiques et autres tendant à l’application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative. D’autre part, les dispositions de cet article
font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, à ce titre, une quelconque somme au profit
de l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu
aquatique du bassin de l’Adour qui, intervenante volontaire à l’instance, n’a pas la qualité de
partie.
ORDONNE :
Article 1er : L’intervention de l’association Union des fédérations départementales
pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour est admise.
Article 2 : L’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 de la préfète de la région
Nouvelle-Aquitaine modifiant l’arrêté du 28 décembre 2021 relatif au plan de gestion des
poissons migrateurs du bassin de l’Adour est suspendue en tant qu’il porte sur la pêche au
saumon atlantique, à la grande alose et à l’alose feinte dans les sites désignés Natura 2000, et
ce, jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond.
Article 3 : Le surplus de la requête ainsi que les conclusions de l’association Union
des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de
l’Adour tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont
rejetés.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association Défense des milieux
aquatiques, désignée comme représentant unique, à l’association Union des fédérations
départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour et à la
ministre de la transition écologique.
Copie sera adressée au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine.
Fait à Bordeaux, le 28 mars 2023.
Le juge des référés,
J-M. BAYLE
La greffière,
H. MALO
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la
concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit
commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,