TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE BORDEAUX N° 2301078
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ASSOCIATION « DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES » et autres
J-M. Bayle Juge des référés
Audience du 23 mars 2023 Ordonnance du 28 mars 2023
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le juge des référés
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 2 mars 2023 et un mémoire enregistré le 23 mars 2023 l’association Défense des milieux aquatiques, l’association « Sea Shepherd France », l’association Anper-Tos, l’association Accob, l’AAPPMA du gave d’Oloron, l’association Sepanso 64, l’association « Salmo Tierra Salva Tierra » et l’association « Les Pyrénées Rebelles », représentées par Me Crecent, demandent au juge des référés, statuant à titre principal sur le fondement des articles L. 122-11 et L. 414-4 du code de l’environnement, à titre subsidiaire sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 par lequel la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a modifié l’arrêté du 28 décembre 2021 relatif au plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) du bassin de l’Adour, en tant qu’il autorise la pêche aux engins et filets des saumons, des grandes aloses et des aloses feintes ;
2°) d’ordonner la publication sous huitaine au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Nouvelle-Aquitaine, du dispositif de l’ordonnance à intervenir, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’association Défense des milieux aquatiques et autres soutiennent que :
- le fleuve Adour, qui a été désigné comme site d’importance communautaire par décision 2015-2373 du 26 novembre 2015 de la Commission, étant soumis aux dispositions de
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l’article 6 de la directive « Habitats », les mesures réglementaires qui y organisent la pêche sont illégales faute d’avoir fait l’objet d’une évaluation favorable de l’incidence de cette activité ;
- le fleuve Adour a été désigné « Zone spéciale de conservation » et est devenu ainsi « site Natura 2000 », par arrêté du 23 septembre 2016, ce qui a eu pour effet de rendre immédiatement applicable l’article 6 de la directive précitée ;
- la grande alose, le saumon atlantique et la lamproie marine, qui sont présents dans l’Adour, sont au nombre des espèces protégées visées par l’annexe II de la directive « Habitats » ;
- le tribunal administratif de Bordeaux est territorialement compétent, par application de l’article R. 312-1 du code de justice administrative ;
- eu égard à leur objet social, les associations requérantes justifient d’un intérêt à agir ;
- alors qu’il existe une probabilité que le PLAGEPOMI affecte de manière significative les sites désignés « Natura 2000 », l’arrêté du 18 janvier 2023 n’a pas été précédé de l’évaluation des incidences environnementales ;
- la condition d’urgence est satisfaite eu égard au caractère immédiat et à la gravité de l’atteinte qui sera portée aux milieux naturels dont elles défendent la protection, dès lors que la pêche à la grande alose et à l’alose feinte sera ouverte aux marins-pêcheurs professionnels à compter du 1er avril 2023 et que les volumes prélevés mettront très probablement en danger ces espèces, qui sont dans un état de conservation très défavorable ;
- il n’existe pas d’obstacle à l’indemnisation des marins-pêcheurs, l’autorité préfectorale ne pouvant pertinemment invoquer l’intérêt public à l’exécution de l’arrêté en cause, outre qu’il n’est pas démontré que l’interdiction de la pêche impactera de manière significative la profession ;
- la modification du PLAGEPOMI a été instaurée illégalement au regard des conditions posées par le V de l’article L. 414-1 et de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, qui transposent respectivement le paragraphe 2 et le paragraphe 3 de l’article 6 de la directive « Habitats », en l’absence d’évaluation des incidences des pêches professionnelle et amateur aux engins et filets du saumon, de la grande alose et de l’alose feinte ;
- l’arrêté du 28 décembre 2021 de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine approuvant le PLAGEPOMI du bassin de l’Adour pour la période 2022-2027 comme l’arrêté du 29 octobre 2019 de cette autorité réglementant la pêche des poissons migrateurs en mer et dans la partie salée des fleuves et rivières du même bassin ainsi que les 2°, 4°, 5° et 6° de l’article R. 436-45 du code de l’environnement sont contraires au paragraphe 3 de l’article 6 de la directive « Habitats » comme au I et au IV bis de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, à défaut d’évaluation appropriée des incidences « Natura 2000 » ;
- l’état de conservation des espèces précitées étant reconnu comme « défavorable- mauvais » dans le reportage établi au bénéfice de la Commission en vertu de l’article 17 de la directive « Habitats », aucune dérogation à l’interdiction de l’activité de pêche ne pouvait être accordée en application des articles 14 et 16 de ladite directive et du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
- l’arrêté du 18 janvier 2023, qui a pour effet de priver d’effet utile l’ordonnance du 18 mars 2022 n° 2200418 du juge des référés de ce tribunal, méconnaît l’autorité de la chose jugée et, par suite, le droit à un recours effectif posé par l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que la limitation des périodes de pêche telle que fixée par ledit arrêté, qui n’affecte pas la pêche maritime et est sans influence sur la quantité des prélèvements en eau douce aux engins et filets, ne permet pas d’assurer la conservation de l’espèce grande alose, conservation qui nécessite une interdiction de la pêche au saumon et de la truite de mer compte tenu des risques de capture simultanée ;
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- l’arrêté en litige, qui édicte des mesures insuffisantes, méconnaît le principe de précaution rappelé par l’article 191 alinéa 2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et énoncé à l’article 5 de la charte de l’environnement, repris par l’article L. 110- du code de l’environnement, principe qui a justifié les décisions juridictionnelles prononcées en 2021 et 2022.
Par une intervention enregistrée le 22 mars 2023, l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour, représentée par Me Lassort, demande au juge des référés de faire droit à la requête et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour soutient que :
- eu égard à son objet social, elle a intérêt à intervenir au sens de l’article R. 631-1 du code de justice administrative ;
- compte tenu de ses statuts, conformes aux prescriptions de l’article 30 de l’arrêté du 16 janvier 2013, et alors qu’elle regroupe dix-huit fédérations départementales de pêche et de protection des milieux aquatiques du bassin Adour Garonne, elle a également un intérêt à agir, intérêt que, en toute hypothèse, lui confère l’article L. 434-4 du code de l’environnement, contre une décision réglementant l’activité de pêche dans la région Nouvelle-Aquitaine ;
- elle justifie de sa capacité à agir dès lors que son bureau, organe compétent pour décider de l’engagement d’une action en justice, a, par délibération du 19 décembre 2022, approuvé la présente intervention ;
- les modifications du PLAGEPOMI issues de l’arrêté du 18 janvier 2023 n’instaurant pas une limitation suffisante de la pêche à la grande alose pour assurer la conservation de l’espèce, qui est considérée comme en danger critique depuis 2010 et dont l’état continue de se détériorer, la condition d’urgence est satisfaite ;
- l’arrêté contesté est insuffisamment motivé au regard des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l’arrêté est intervenu à la suite d’une procédure irrégulière en l’absence d’évaluation de ses incidences, en violation de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;
- l’arrêté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions combinées de l’article 5 de la charte de l’environnement et de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, qui mettent en œuvre le principe de précaution ;
- en l’absence d’évaluation tant des risques que des stocks s’agissant de la lamproie marine, de la grande alose et de l’anguille, l’article 1er de l’arrêté contrevient à l’impératif de protection de ces espèces ;
- l’arrêté est entaché d’une inexacte application de l’article R. 436-35 du code de l’environnement et de l’article 2 de la directive « Habitats ».
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2022, le préfet de la région Nouvelle- Aquitaine conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que :
- la condition d’urgence n’est pas satisfaite ;
- aucun moyen n’est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté.
Vu les autres pièces du dossier.
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Vu :
- la Constitution et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
- la directive 92/43/CEE du conseil du 21 mai 1992 ;
- le règlement 1881/2006 du 19 décembre 2006 de la Commission ;
- le code de l’environnement ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Au cours de l’audience publique du 23 mars 2023 à 14h30, ont été entendus :
- le rapport de M. Bayle, juge des référés ;
- les observations de Me Crecent, représentant les associations requérantes, qui a développé les moyens soulevés dans les écritures de ces dernières, et les observations de M. Garcia, président de l’association Défense des milieux aquatiques ;
- les observations de Me Deniau, représentant l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour, qui a confirmé les moyens invoqués par cet intervenant au soutien de la requête ;
- les observations de Mme Blanchard, représentant le préfet de la région Nouvelle- Aquitaine, qui a confirmé les moyens opposés en défense par cette autorité.
La parole a été donnée en dernier lieu à la défense et la clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.
Considérant ce qui suit :
- La préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a, par arrêté du 28 décembre 2021 pris sur le fondement des articles R. 436-45 et R. 436-46 du code de l’environnement, instauré un plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) du bassin de l’Adour pour la période 2022-2027. Par requête enregistrée sous le n° 2200418, l’association Défense des milieux aquatiques, l’association « Sea Shepherd France », l’association Anper Tos, l’association Accob, l’association Sepanso 64 et les associations agréées de pêches et de protection des milieux aquatiques (AAPPMA) Basabürüa, Orthez, du gave d’Oloron, Le Pesquitt, des Baïses, La Gaule Paloise, La Gaule Aspoise, « Salmo Tierra Salva Tierra » et Protection Haut Béarn Environnement ont demandé au juge des référés de ce tribunal, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de cet arrêté du 28 décembre 2021 en tant qu’il autorisait la pêche aux engins et filets des saumons, aloses et lamproies. Par une requête enregistrée sous le n° 2201151, l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour a saisi le juge des référés, sur le même fondement, de conclusions tendant à la suspension de l’exécution de l’arrêté du 28 décembre 2021 dans son ensemble. Par ordonnance du 18 mars 2022 rendue sur ces deux requêtes, devenue définitive, le juge des référés a suspendu
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l’exécution de l’arrêté du 28 décembre 2021 en tant, seulement, que le PLAGEPOMI ne prévoyait pas de modalités de limitation des pêches de nature à assurer la conservation des espèces grande alose et lamproie marine, le surplus des conclusions étant rejetées. Cette décision juridictionnelle ne faisant pas obstacle à ce que l’autorité administrative réajuste le PLAGEPOMI pour prévoir des limitations de pêche de ces deux espèces plus restrictives, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a, par arrêté du 18 janvier 2023, procédé à une modification de ce plan, instaurant des limitations supplémentaires pour ce qui concerne la lamproie marine, la grande alose et le saumon atlantique, cette dernière espèce n’étant au demeurant pas concernée par la suspension. Par la présente requête, l’association Défense des milieux aquatiques, l’association « Sea Shepherd France », l’association Anper-Tos, l’association Accob, l’AAPPMA du gave d’Oloron, l’association Sepanso 64, l’association « Salmo Tierra Salva Tierra » et l’association « Les Pyrénées Re-belles » demandent au juge des référés, statuant à titre principal sur le fondement de l’article L. 122-11 du code de l’environnement, à titre subsidiaire sur celui de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 en tant qu’il autorise la pêche aux engins et filets des saumons, des grandes aloses et des aloses feintes. L’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour est intervenue volontairement à l’instance au soutien de la requête.
Sur l’intervention de l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour :
- Aux termes de ses statuts, l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour, qui comprend parmi ses adhérents les fédérations départementales de pêche et de protection des milieux aquatiques de des départements des Landes, du Gers, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées, a pour objet d’assurer la concertation entre les structures membres ainsi que la coordination de leurs actions au niveau des bassins ; elle est chargée, notamment, de contribuer à la protection du milieu aquatique et du patrimoine piscicole en soutenant des actions en faveur des poissons grands migrateurs et peut ester en justice, le cas échéant, à la demande d’une ou des structures adhérentes, auprès de toutes juridictions pour la défense de leurs intérêts, en particulier, pour tout ce qui touche à la protection des milieux aquatiques. Dans ces conditions, l’association justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête. Par suite, son intervention doit être admise.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
En ce qui concerne la demande d’application de l’article L. 122-11 du code de l’environnement :
- Il ressort des pièces du dossier que plan de gestion des poissons migrateurs 2022- 2027 Adour et cours d’eau côtiers approuvé par l’arrêté du 28 décembre 2021 englobe les trois secteurs hydrographiques que constituent le bassin de l’Adour, le bassin de la Nivelle et les bassins des courants côtiers. Le plan identifie onze zones de conservation désignées « site Natura 2000 », à savoir le « gave de Pau », le « gave de Pau et de Cauterets (gorges de Cauterets) », « La Bidouze », « La Nive », « La Nivelle (estuaire, barthes, cours d’eau) », l’ « Adour », le « Gave d’Aspe et Lourdios », le « Gave d’Oloron et marais de Labastide- Villefranche », le « Gave d’Ossau », la « Vallée de l’Adour » et les « Zones humides associées au marais d’Orx ».
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- Aux termes de l’article L. 122-11 du code de l’environnement : « Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une décision d’approbation d’un plan ou d’un programme visé à l’article L. 122-4 est fondée sur l’absence d’évaluation environnementale, le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».
- Aux termes de l’article L. 414-1 du code précité : « (…) IV. Les sites désignés comme zones spéciales de conservation et zones de protection spéciale par décision de l’autorité administrative concourent, sous l’appellation commune de ” sites Natura 2000 ”, à la formation du réseau écologique européen Natura 2000. / V. Les sites Natura 2000 font l’objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l’objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces… ». Aux termes de l’article L. 414- 2 de ce code : « Pour chaque site Natura 2000, un document d’objectifs définit les orientations de gestion, les mesures prévues à l’article L. 414-1, les modalités de leur mise en œuvre et les dispositions financières d’accompagnement ». Aux termes de l’article L. 414-4 du même code : « I. Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après ” Evaluation des incidences Natura 2000 ” : / 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations, sont applicables à leur réalisation ; (…). / (…) III. Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration au titre d’une législation ou d’une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 que s’ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d’Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l’autorité administrative compétente. / (…) / IV bis. Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d’affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l’autorité administrative. / (…) IX. L’article L. 122-12 [devenu article L. 122-11] est applicable aux décisions visées aux I à V prises sans qu’une évaluation des incidences Natura 2000 ait été faite ».
- Compte tenu de son objet tel que défini par l’article R. 436-45 du code de l’environnement, le plan de gestion des poissons migrateurs est au nombre des documents de planification visés par le 1° de l’article L. 414-4 de ce code quand, dans le périmètre qu’il définit, est inclus un site désigné Natura 2000. Il suit de là qu’en application du I de l’article L. 414-4 dudit code, l’instauration d’un tel plan de gestion est soumise à une évaluation préalable de ses incidences sur la conservation du site lorsqu’il est susceptible d’affecter de manière significative les lieux. La circonstance, invoquée par le préfet de la région Nouvelle- Aquitaine, que les plans de gestion des poissons migrateurs ne figurent pas sur l’une des listes prévues par le III de l’article L. 414-4 est sans incidence sur l’application du I de cet article lorsque les conditions qu’il pose sont remplies.
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- Il ressort des informations figurant dans le PLAGEPOMI que le bilan de l’espèce saumon atlantique reste inchangé par rapport au précédent plan de gestion mais que son état demeure préoccupant, pour être médiocre, avec une tendant à la stabilité. Par ailleurs, il est reconnu que l’état de l’espèce grande alose est alarmant, avec une tendance encore à la dégradation. S’agissant de l’alose feinte, le plan indique seulement que l’insuffisance des connaissances sur cette espèce empêche de porter un avis global sur l’état de conservation. En égard à la situation ainsi admise de ces espèces, les prescriptions du plan ne peuvent qu’être regardées comme étant susceptibles d’avoir un effet significatif sur leur évolution au sein des sites qui ont été désignés Natura 2000 pour assurer la conservation des habitats naturels et de ces espèces protégées. Or, il n’est pas contesté que la modification en litige du plan de gestion n’a pas été préalablement soumise à une évaluation de ses incidences sur la conservation desdits sites. Dans ces conditions l’association Défense des milieux aquatiques et autres sont fondées à demander, en application des dispositions ci-dessus rappelées de l’article L. 122-11 du code de l’environnement, auquel renvoie le IX de l’article L. 414-4, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine en tant qu’il porte sur la pêche des espèces précitées.
En ce qui concerne la demande d’application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
- Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…) ».
- En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d’être dit, les conclusions tendant à l’application des dispositions précitées sont dépourvues d’objet s’agissant des zones de conservation désignées « site Natura 2000 ».
- En second lieu, et s’agissant des autres zones qui seraient couvertes par le plan de gestion des poissons migrateurs, aucun des moyens soulevés par l’association Défense des milieux aquatiques et autres ne sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du 18 janvier 2023 en litige.
- Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence s’agissant de l’application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, condition au demeurant non invoquée s’agissant de l’espèce saumon atlantique, que l’association Défense des milieux aquatiques et autres ne sont fondées à demander la suspension de l’arrêté précité qu’en tant qu’il porte sur les sites Natura 2000.
Sur les conclusions aux fins de publication :
- La demande de l’association Défense des milieux aquatiques et autres tendant à ce que la présente ordonnance soit publiée dans le recueil des actes administratifs de la région Nouvelle-Aquitaine ne peut, en l’absence de toute disposition prévoyant une telle publicité, être accueillie.
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Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :
- D’une part, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de l’association Défense des milieux aquatiques et autres tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. D’autre part, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, à ce titre, une quelconque somme au profit de l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour qui, intervenante volontaire à l’instance, n’a pas la qualité de partie.
ORDONNE :
Article 1er : L’intervention de l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour est admise.
Article 2 : L’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine modifiant l’arrêté du 28 décembre 2021 relatif au plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de l’Adour est suspendue en tant qu’il porte sur la pêche au saumon atlantique, à la grande alose et à l’alose feinte dans les sites désignés Natura 2000, et ce, jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond.
Article 3 : Le surplus de la requête ainsi que les conclusions de l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association Défense des milieux aquatiques, désignée comme représentant unique, à l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour et à la ministre de la transition écologique.
Copie sera adressée au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine.
Fait à Bordeaux, le 28 mars 2023.
Le juge des référés,
J-M. BAYLE
La greffière,
H. MALO
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme, La greffière,