TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE BORDEAUX N° 2300308 N° 2300338
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ASSOCIATION DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES (DMA)
ASSOCIATION DEPARTEMENTALE AGREEE DE PECHEURS AMATEURS AUX ENGINS ET AUX FILETS SUR LES EAUX DU DOMAINE PUBLIC (ADAPEF 33)
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J-M. Bayle Juge des référés
Audience du 9 février 2023 Ordonnance du 10 février 2023
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le juge des référés
Vu les procédures suivantes :
I°) Par une requête enregistrée le 19 janvier 2023 sous le n° 2300308, des pièces complémentaires enregistrées le 20 janvier 2023 et un mémoire enregistré le 8 février 2023, l’association Défense des milieux aquatiques (DMA) demande au juge des référés, statuant à titre principal sur le fondement des articles L. 122-11 et L. 414-4 du code de l’environnement, à titre subsidiaire sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’ordonner la suspension de l’arrêté du 18 janvier 2023 par lequel la préfète de la Gironde a modifié l’arrêté du 28 décembre 2021 relatif au plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de la Garonne en tant qu’il autorise la pêche aux engins et filets de la lamproie marine et de la lamproie fluviatile ;
2°) d’ordonner la publication sous huitaine au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Nouvelle-Aquitaine, du dispositif de l’ordonnance à intervenir, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative.
L’association Défense des milieux aquatiques soutient que :
- son objet social lui confère un intérêt à agir, outre qu’elle est agréée pour la protection de l’environnement pour la région Nouvelle-Aquitaine depuis le 26 septembre 2022 ;
N° 2300308…
- elle justifie de l’habilitation de son président à engager la présente instance ;
- elle est recevable à fonder son action sur le double fondement du code de l’environnement et du code de justice administrative ;
- le dispositif prévu par l’article L. 414-4 du code de l’environnement est applicable aux sites désignés « Natura 2000 » « La Garonne en Nouvelle-Aquitaine », « La Dordogne », « Vallée de la Dronne de Brantôme à sa confluence avec l’Isle » et « Vallée de l’Isle de Périgueux à sa confluence avec la Dordogne », par arrêtés, respectivement, du 5 avril 2016, du 27 octobre 2015, du 20 octobre 2014 et du 27 octobre 2015, lesquelles désignations ont notamment pour objet la protection stricte de diverses espèces piscicoles et de leurs habitats naturels ;
- il existe une forte probabilité que la règlementation instaurée par l’arrêté en litige, qui admet la pêche, professionnelle ou amateur, aux engins et filets, lesquels ne constituent pas un mode sélectif de pêche, affecte de manière significative, au regard des meilleures connaissances scientifiques en la matière, l’objectif de protection de ces sites que poursuit leur désignation en zone « Natura 2000 » ;
- l’arrêté du 18 janvier 2023 est entaché d’une irrégularité substantielle, faute d’avoir été précédé de l’évaluation des incidences « Natura 2000 », en violation des articles L. 414- et R. 414-23 du code de l’environnement ;
- la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite dès lors que, la lamproie marine et la lamproie fluviatile étant en danger d’extinction selon des études pertinentes, la pêche autorisée est susceptible de porter une atteinte suffisamment grave et immédiate à l’équilibre des milieux naturels et à l’environnement comme aux intérêts collectifs de protection de l’environnement aquatique qu’elle défend ;
- compte tenu de son objet et alors que l’activité autorisée est susceptible d’affecter significativement des espèces d’intérêt communautaire au sein de sites « Natura 2000 », l’arrêté du 18 janvier 2023 devait être précédé de l’évaluation de ses incidences également en application de l’article 6 paragraphe 3 de la directive « Habitats » ;
- eu égard à l’état de conservation des aloses feintes, des lamproies marines et des lamproies fluviatiles, état qui est qualifié de « défavorable-mauvais » dans le rapportage établi par la France à destination de la Commission européenne, en vertu de l’article 17 de la directive « Habitats », l’autorisation de leur pêche par engins et filets contrevient aux articles 14 et 16 de ce texte comme à l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
- l’arrêté en cause méconnaît l’article 6 paragraphe 1 de la directive « Habitats » qui impose la conservation tant des espèces protégées que de leurs habitats ;
- l’arrêté est dépourvu de base légale eu égard à l’illégalité de l’arrêté du 28 décembre 2021 et des 2°, 4°, 5°, et 6° de l’article R. 436-45 du code de l’environnement ;
- l’arrêté méconnaît l’autorité de la chose jugée par « le jugement » du 30 mars 2022 n° 2200574, faute d’avoir prévu la fermeture totale de la pêche de la lamproie aux engins et aux filets, les mesures instaurées étant insuffisantes pour protéger la ressource, outre qu’elles peuvent être aisément contournées ;
- l’arrêté contrevient au jugement du 5 mai 2022 n° 2101218 et au principe de précaution énoncé à l’article 5 de la charte de l’environnement et repris à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, compte tenu de l’effondrement de la population des lamproies ;
- eu égard à ce qui précède et alors que la pêche à la lamproie est dorénavant prohibée sur le bassin de l’Adour, l’arrêté méconnaît les prescriptions des articles L. 430-1 et R. 435- du code de l’environnement ;
- l’arrêté viole le règlement communautaire 1881/2006 compte tenu des risques de contamination des lamproies au mercure.
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Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Le préfet de la Gironde fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute d’intérêt à agir de l’association eu égard au périmètre de son ressort ;
- s’agissant de la demande de suspension sur le fondement de l’article L. 122-11 du code de l’environnement, les plans de gestion des poissons migrateurs ne sont pas au nombre des documents de planification visés par le III de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;
- s’agissant de la demande de suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’une part, la condition d’urgence n’est pas satisfaite, d’autre part, aucun moyen n’est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du 18 janvier 2023.
Par une intervention enregistrée le 9 février 2023, l’association « Sea Shepherd », représentée par Me Crecent, demande au juge des référés de faire droit à la requête.
L’association Sea Shepherd France soutient que :
- eu égard à son objet social, elle justifie d’un intérêt à intervenir au soutien de la demande dirigée contre l’arrêté du 18 janvier 2023, les restrictions de pêche qu’il instaure étant insuffisantes ;
- l’arrêté précité est illégal à défaut d’évaluation préalable de ses incidences, en violation de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;
- l’arrêté du 18 janvier 2023 méconnaît l’autorité de la chose jugée par l’ordonnance du 30 mars 2022 n° 2200574 et 2201153 du juge des référés de ce tribunal ;
- en outre, et ainsi que l’a relevé l’ordonnance précitée, l’autorisation de la pêche à la lamproie contrevient au principe de précaution.
II°) Par une requête enregistrée le 21 janvier 2023 sous le n° 2300338 et un mémoire enregistré le 9 février 2023, l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33 (ADAPAEF 33), représentée par Me Crecent, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 de la préfète de Nouvelle-Aquitaine modifiant l’arrêté du 28 décembre 2021 relatif au plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de la Garonne en tant qu’il autorise la pêche aux lamproies ;
2°) d’enjoindre à l’autorité préfectorale de prononcer l’interdiction totale de la pêche à la lamproie marine et à la lamproie fluviatile, tant par les pêcheurs amateurs que par les pêcheurs professionnels, et ce, pour toutes techniques de pêche ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’ADAPAEF 33 soutient que :
- le périmètre concerné comprend les aires « Natura 2000 » de la Dordogne, de la Vallée de L’Isle de Périgueux à sa confluence avec la Dordogne, de la Vallée de la Dronne et de la vallée de la Garonne en Nouvelle-Aquitaine ;
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- les lamproies marines et fluviatiles font l’objet de protection au titre de divers dispositifs, en particulier pour figurer à l’annexe II de la directive 92/43/CEE, à l’article 1er de l’arrêté du 8 décembre 1988 listant les espèces de poissons protégées sur l’ensemble du territoire et à l’annexe 1 de l’arrêté du 6 janvier 2020 fixant la liste des espèces animales et végétales à la protection desquelles il ne peut être dérogé qu’après avis du conseil national de la protection de la nature ;
- son objet social lui confère un intérêt à agir ;
- son président a été dûment autorisé à engager la présente action ;
- la condition d’urgence est satisfaite dès lors que le plan de gestion porte directement des atteintes graves, du fait de leur immédiateté et de leur irréversibilité, à des espèces d’intérêt communautaire qui, dans un état de conservation très défavorable, sont en danger d’extinction ;
- en outre, l’arrêté du 18 janvier 2023 ne garantit pas le respect du principe de précaution, dont le juge des référés a estimé dans son ordonnance du 30 mars 2022 qu’il avait été méconnu, puisque les restrictions instaurées n’aboutiraient, au mieux, qu’à une réduction de 14 % du nombre de prises, réduction qui sera d’autant moindre que les pêcheurs professionnels pourront contourner aisément les nouvelles limitations relatives aux périodes de pêche ;
- le doute sérieux sur la compatibilité de la règlementation française avec l’article 6 de la directive 92/43/CEE crée également une situation d’urgence pour l’application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ;
- l’arrêté est entaché d’irrégularité en l’absence d’évaluation des incidences, en violation de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;
- en égard au risque d’atteinte grave et irréversible aux espèces de lamproies, la réglementation instaurée par l’arrêté en litige méconnaît le principe de précaution énoncé à l’article 5 de la charte de l’environnement et repris à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ;
- l’arrêté du 18 janvier 2023 est illégal à raison de l’illégalité du plan de gestion instauré par l’arrêté du 28 décembre 2021 pour ne pas avoir prescrit une interdiction de pêcher les espèces de lamproie, l’illégalité qu’elle peut invoquer par la voie de l’exception ;
- les restrictions instaurées sont insuffisantes, faute d’offrir des garanties contre l’augmentation de la pression de la pêche professionnelle ;
- l’arrêté en litige méconnaît les articles 2, 4, 14 et 6 de la directive « Habitats » ainsi que les articles L. 414-1 et suivants et l’article L. 436-10 du code de l’environnement ;
- l’arrêté viole l’article 1 du règlement (CE) 1881/2006 eu égard au risque de contamination des lamproies par le mercure.
Par une intervention enregistrée le 8 février 2023, l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour, représentée par la SELARL Tugas et Brun, demande au juge des référés de faire droit à la requête et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
L’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour soutient que :
- eu égard à son objet social et alors qu’elle regroupe dix-huit fédérations départementales de pêche et de protection des milieux aquatiques du bassin Adour Garonne, elle a intérêt à intervenir au sens de l’article R. 631-1 du code de justice administrative ;
- elle justifie de sa capacité à agir dès lors que son bureau, organe compétent pour décider de l’engagement d’une action en justice, a, par délibération du 19 décembre 2022, approuvé la présente intervention ;
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- la lamproie marine, qui fait l’objet de diverses protections conventionnelles, appartient à la catégorie des espèces menacées de poissons d’eau douce de France ;
- eu égard à la menace d’extinction de cette espèce, la condition d’urgence est satisfaite ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée au regard des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l’arrêté est intervenu à la suite d’une procédure irrégulière en l’absence d’évaluation de ses incidences, en violation de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;
- l’arrêté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions combinées de l’article 5 de la charte de l’environnement et de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Le préfet de la Gironde fait valoir que :
- la condition d’urgence n’est pas satisfaite ;
- aucun moyen n’est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution ;
- la directive 92/43/CEE du conseil du 21 mai 1992 ;
- le règlement 1881/2006 du 19 décembre 2006 de la Commission ;
- le code de l’environnement ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Au cours de l’audience publique du 9 février 2023 à 14h30, ont été entendus :
- le rapport de M. Bayle, juge des référés ;
- les observations de M. Garcia, représentant l’association Défense des milieux aquatiques, qui a précisé les moyens invoqués dans les écritures de cette association ;
- les observations de Me Crecent, représentant l’association « Sea Shepherd » dans l’instance n° 2300308 et l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33 dans l’instance n° 2300338, qui a confirmé les moyens soulevés par ces associations ;
- les observations de Me Lassort, substituant Me Tugas, représentant l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour, qui a confirmé les moyens invoqués par cette association ;
- les observations de Mme Blanchard, représentant le préfet de la Gironde, qui a repris les moyens opposés en défense par cette autorité.
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La parole a été donnée en dernier lieu au défendeur et la clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.
L’association Défense des milieux aquatiques a déposé une note en délibéré le 10 février 2023.
Considérant ce qui suit :
- La préfète de la Gironde a, par arrêté du 28 décembre 2021 pris sur le fondement des articles R. 436-45 et R. 436-46 du code de l’environnement, instauré un plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) du bassin de la Garonne pour la période 2022-2027. Par requêtes enregistrées respectivement sous les n° 2200574 et 2201153, l’association Défense des milieux aquatiques et l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour ont demandé au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de cet arrêté du 28 décembre 2021. Par ordonnance du 30 mars 2022, devenue définitive, le juge des référés a fait droit aux conclusions aux fins de suspension dans la seule mesure du défaut de modalités de limitation des pêches de nature à assurer la conservation de l’espèce lamproie marine dans le bassin de la Garonne, le surplus des conclusions aux fins de suspension étant rejeté. Pour l’exécution de cette ordonnance, la préfète de la Gironde a, par un arrêté du 18 janvier 2023, modifié ledit plan pour ce qui concerne la pêche de cette espèce de lamproie, seule concernée par le dispositif de l’ordonnance du 30 mars 2022. Par les requêtes enregistrées respectivement sous les n° 2300308 et 2300338, l’association Défense des milieux aquatiques et l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33 demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 122-11 du code de l’environnement et de l’article L. 521-1 du code de justice administrative pour la première, statuant sur l’unique fondement de ce dernier article pour la seconde, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023. Dans le dernier état de ses écritures, l’association Défense des milieux aquatiques conclut également à la suspension de cet arrêté en tant qu’il ne comporte pas de restrictions de pêche s’agissant d’une autre espèce de lamproie. Ces requêtes étant dirigées contre la même décision, il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’une même ordonnance.
Sur la requête n° 2300308 :
En ce qui concerne la recevabilité :
- Aux termes de l’article L. 142-1 du code de l’environnement : « Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d’un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l’agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ».
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- Il ressort des pièces du dossier que l’association Défense des milieux aquatiques a été agréée pour la protection de l’environnement dans le cadre de la région Nouvelle-Aquitaine, en application de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, par arrêté du 26 septembre 2022 de la préfète de la Gironde. Par suite, et conformément à l’article L. 142-1 précité de ce même code, cette association justifie d’un intérêt à agir contre l’arrêté du 18 janvier 2023 modifiant le plan de gestion des poissons migrateurs du bassin de la Garonne. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par la préfète de la Gironde, tirée d’un défaut de qualité à agir de l’association à raison de l’étendue de son ressort territorial, ne peut qu’être écartée.
En ce qui concerne l’intervention de l’association Sea Shepherd France :
- Au regard de ses statuts, l’association Sea Shepherd France a pour but, en particulier, de promouvoir la conservation et la préservation des organismes vivants aquatiques et d’obtenir, au besoin par une action en justice devant toute juridiction compétente en la matière, la défense des milieux des espèces animales et végétales ainsi que la garantie de la stricte application des lois et règlements ayant trait à la faune comme à la flore et aux écosystèmes dont elles dépendent. Cet objet social confère à l’association Sea Shepherd France un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la demande de l’association Défense des milieux aquatiques.
En ce qui concerne les conclusions aux fins de suspension :
- Aux termes de l’article L. 122-11 du code de l’environnement : « Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une décision d’approbation d’un plan ou d’un programme visé à l’article L. 122-4 est fondée sur l’absence d’évaluation environnementale, le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».
- Aux termes de l’article L. 414-1 du code précité : « (…) IV. Les sites désignés comme zones spéciales de conservation et zones de protection spéciale par décision de l’autorité administrative concourent, sous l’appellation commune de ” sites Natura 2000 ”, à la formation du réseau écologique européen Natura 2000. / V. Les sites Natura 2000 font l’objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l’objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces… ». Aux termes de l’article L. 414-2 de ce code : « Pour chaque site Natura 2000, un document d’objectifs définit les orientations de gestion, les mesures prévues à l’article L. 414-1, les modalités de leur mise en œuvre et les dispositions financières d’accompagnement ». Aux termes de l’article L. 414- du même code : « I. Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci- après ” Evaluation des incidences Natura 2000 ” : / 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations, sont applicables à leur réalisation ; (…). / (…) III. Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d’autorisation, d’approbation ou de déclaration au titre d’une législation ou d’une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l’objet d’une
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évaluation des incidences Natura 2000 que s’ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d’Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l’autorité administrative compétente. / (…) / IV bis. Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d’affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l’autorité administrative. / (…) IX. L’article L. 122-12 [devenu article L. 122-11] est applicable aux décisions visées aux I à V prises sans qu’une évaluation des incidences Natura 2000 ait été faite ».
- Compte tenu de son objet tel que défini par l’article R. 436-45 du code de l’environnement, le plan de gestion des poissons migrateurs est au nombre des documents de planification visés par le 1° de l’article L. 414-4 de ce code quand, dans le périmètre qu’il définit, est inclus un site désigné Natura 2000. Il suit de là qu’en application du I de l’article L. 414-4 dudit code, l’instauration d’un tel plan de gestion est soumise à une évaluation préalable de ses incidences sur la conservation du site lorsqu’il est susceptible d’affecter de manière significative les lieux. La circonstance, invoquée par la préfète de la Gironde, que les plans de gestion des poissons migrateurs ne figurent pas sur l’une des listes prévues par le III de l’article L. 414-4 est sans incidence sur l’application du I de cet article lorsque les conditions qu’il pose sont remplies.
- Il résulte de l’instruction que le PLAGEPOMI comprend quatre sites désignés site Natura 2000, dénommés « La Garonne en Nouvelle-Aquitaine », « La Dordogne » « Vallée de l’Isle de Périgueux à sa confluence avec la Dordogne » et « Vallée de la Dronne de Brantôme à sa confluence avec l’Isle ». Il est constant que sur ces sites, l’état de conservation de la lamproie marine, seule espèce concernée par l’arrêté attaqué, dont il est rappelé qu’il intervient à la suite de la suspension du PLAGEPOMI pour cette unique espèce, est particulièrement défavorable du fait tant de la pression de la pêche que de l’action d’un prédateur. En égard à cette situation, et alors qu’il est mentionné dans le plan lui-même que les éléments comptables acquis récemment alertent sur l’état de l’espèce, son instauration ne peut qu’être regardée comme étant susceptible d’avoir un effet significatif sur l’évolution de l’espèce au sein des sites désignés Natura 2000 précités, alors même que les services compétents mènent des actions en vue d’assurer un repeuplement de la lamproie dans ce bassin de la Garonne. Or, il n’est pas contesté que la modification en litige du plan de gestion n’a pas été préalablement soumise à une évaluation de ses incidences sur la conservation desdits sites. Dans ces conditions l’association Défense des milieux aquatiques est fondée à demander, en application des dispositions précitées de l’article L. 122-11 du code de l’environnement, auquel renvoie le IX de l’article L. 414-4, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 de la préfète de la Gironde.
En ce qui concerne les conclusions aux fins de publication :
- Les conclusions de l’association Défense des milieux aquatiques tendant à ce que la présente ordonnance soit publiée dans le recueil des actes administratifs de la région Nouvelle-Aquitaine ne peuvent, en l’absence de toute disposition prévoyant une telle publicité, être accueillies.
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Sur la requête n° 2300338 :
En ce qui concerne l’intervention de l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour :
- Aux termes de ses statuts, l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour, qui comprend parmi ses adhérents les fédérations départementales de pêche et de protection des milieux aquatiques de Gironde, de Dordogne et de Lot-et-Garonne, a pour objet d’assurer la concertation entre les structures membres et la coordination de leurs actions au niveau des bassins et est chargée, notamment, de contribuer à la protection du milieu aquatique et du patrimoine piscicole en soutenant des actions en faveur des poissons grands migrateurs ainsi que d’ester en justice, le cas échéant, à la demande d’une ou des structures adhérentes, auprès de toutes juridictions pour la défense de leurs intérêts, en particulier, pour tout ce qui touche à la protection des milieux aquatiques. Dans ces conditions, l’association justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33. Par suite, son intervention doit être admise.
En ce qui concerne les conclusions aux fins de suspension :
- Il résulte des points 6 à 9 que l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 de la préfète de la Gironde modifiant le PLAGEPOMI instauré par arrêté du 28 décembre 2021 doit être suspendue, en application de l’article L. 122-11 du code de l’environnement. Dès lors, les conclusions présentées par l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33 à cette même fin sont devenues sans objet et il n’y a lieu d’y statuer.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d’injonction :
- La demande de l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33 aux fins de suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 étant sans objet, ses conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’autorité préfectorale d’interdire totalement la pêche aux lamproies marines et fluviatiles ne peuvent être accueillies. En tout état de cause, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, qui n’est pas saisi du principal et ne peut prononcer que des mesures provisoires, en application de l’article L. 511-1 du code de justice administrative, d’ordonner à l’autorité administrative de prendre une telle mesure d’interdiction, qui aurait en tous points des effets identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’administration de la décision par laquelle le juge du fond viendrait, le cas échéant, à prononcer l’annulation de la décision en litige.
Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :
- D’une part, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme dont l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33 demande le versement sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D’autre part, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour qui, intervenante, n’a pas la qualité de partie.
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ORDONNE :
Article 1er : Les interventions de l’association Sea Shepherd France et de l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour sont admises.
Article 2 : L’exécution de l’arrêté du 18 janvier 2023 de la préfète de la Gironde modifiant le plan de gestion des poissons migrateurs instauré par l’arrêté du 28 décembre 2021 est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond.
Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33 aux fins de suspension.
Article 4 : Le surplus des requêtes n° 2300308 et 2300338 ainsi que les conclusions de l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association Défense des milieux aquatiques, à l’association Sea Shepherd France, à l’association départementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets 33, à l’association Union des fédérations départementales pour la pêche et la protection du milieu aquatique du bassin de l’Adour et à la ministre de la transition écologique.
Copie sera adressée au préfet de la Gironde.
Fait à Bordeaux, le 10 février 2023.
Le juge des référés,
J-M. BAYLE
La greffière,
H. MALO
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme, La greffière,