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MILIEUX AQUATIQUES

JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE POITIERS N° 2002506 Annulation des filets fixes sur l'estran de la Charente Maritime

Annulation des filets fixes sur l'estran de la Charente Maritime

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE POITIERS N° 2002506

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ASSOCIATION DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES

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M. Vincent Bureau Rapporteur


M. Philippe Lacaïle Rapporteur public


Audience du 16 février 2023 Décision du 2 mars 2023


395-04- C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Poitiers

(2ème chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 octobre 2020 et 10 mai 2021, ainsi qu’un mémoire enregistré le 27 novembre 2022 qui n’a pas été communiqué, l’association « Défense des milieux aquatiques », représentée par son secrétaire, M. Garcia, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté n° 20/041 du 25 septembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a réglementé les conditions de délivrance des autorisations annuelles et la pose de filets fixes dans la zone de balancement des marées sur le littoral de la Charente- Maritime ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de publier sur son site internet à compter du rendu du jugement l’annulation de cet arrêté et la fermeture de la pêcherie récréative au filet fixe sur l’estran de la Charente-Maritime.

Elle soutient que :

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2021, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

Considérant ce qui suit :

  1. Par la présente requête, l’association « Défense des milieux aquatiques » (DMA), qui a pour objet la défense des ressources marines et du milieu marin, demande au tribunal l’annulation de l’arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a réglementé les conditions de délivrance des autorisations annuelles et la pose de filets fixes dans la zone de balancement des marées sur le littoral de la Charente-Maritime.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

  1. Aux termes du considérant 11 du règlement (UE) n° 2020/123 du conseil du 27 janvier 2020 : « Les mesures relatives à la pêche récréative ciblant le bar européen devraient également être maintenues, compte tenu de l’incidence notable de cette activité sur les stocks concernés. Dans les limites établies par l’avis scientifique, la pratique du pêcher-relâcher et les limites de captures devraient se poursuivre. Compte tenu d’une sélectivité insuffisante et du fait que le nombre de spécimens capturés dépassera vraisemblablement les limites établies, les filets fixes devraient être exclus. (…) ». Aux termes de l’article 10 du même règlement : « (…) 6. Dans le cadre de la pêche récréative dans les divisions CIEM 8a et 8b, un maximum de deux spécimens de bar européen par pêcheur et par jour peuvent être capturés et détenus. La taille

minimale de conservation pour le bar européen est 42 cm. Le présent paragraphe ne s’applique pas aux filets fixes, qui ne peuvent être utilisés pour capturer ou détenir le bar européen. (…) ».

  1. L’association DMA soutient que les filets fixes autorisés par l’arrêté préfectoral du 25 septembre 2020 ne sont pas sélectifs et capturent notamment les bars européens. Elle souligne que la pêche récréative du bar européen au moyen de filets fixes est interdite par les dispositions précitées et que cette technique de pêche ne permet pas leur survie.
  2. Il ressort des pièces du dossier qu’il n’existe pas d’étude de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) sur la pêche récréative aux filets fixes en Charente-Maritime. Il ressort toutefois des études de l’Ifremer sur la pêche récréative aux filets fixes sur l’estran landais de 2007 à 2014 et sur l’estran girondin de 2010 à 2014, ainsi que de 2016 à 2018, que le bar européen fait partie des principales espèces capturées. Il ressort également d’une thèse professionnelle du 21 janvier 2020, qui a effectué un état des lieux de la pêche récréative aux filets fixes sur le périmètre du parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis sur une base déclarative, que le bar européen serait la quatrième espèce capturée. Par ailleurs, dans son avis du 18 février 2020 sur l’arrêté litigieux, l’Ifremer indique qu’« aucune activité récréative mettant en œuvre un filet fixe ne devrait être autorisée puisque (très fortement) susceptible de capturer du bar. En conséquence, le nombre de licences autorisées dans l’arrêté préfectoral que vous vous apprêtez à prendre devrait être limité aux seuls pêcheurs professionnels ».
  3. Dans ces conditions, et dans les circonstances de l’espèce, la pêche récréative au moyen de filets fixes porte atteinte, par des captures accidentelles, à l’interdiction de capture et de détention du bar européen. Or, il ressort de l’article 6 de l’arrêté que la seule obligation de déclaration de capture, avant le 15 janvier de l’année suivant celle pour laquelle l’autorisation a été délivrée, ne peut être regardée comme une mesure appropriée au regard de l’interdiction de capture et de détention du bar européen au moyen d’un filet fixe.
  4. Par ailleurs, si le préfet de la Charente-Maritime fait valoir que les autorisations délivrées sur la base de l’arrêté mentionnent l’interdiction et indiquent que la conservation du bar européen pêché au moyen d’un filet fixe en pêche de loisir sur l’estran n’est pas autorisée, les conditions d’exécution de l’arrêté contesté sont, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité.
  5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que l’association « Défense des milieux aquatiques » est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 25 septembre 2020 en tant qu’elle autorise la pêche récréative aux filets fixes sans prendre des mesures appropriées pour respecter l’interdiction de capture et de détention du bar européen.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

  1. L’exécution du présent jugement n’implique aucune mesure d’exécution. Dès lors, les conclusions de la requête aux fins d’injonction doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté n° 20/041 du 25 septembre 2020 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a réglementé les conditions de délivrance des autorisations annuelles et la pose de filets fixes dans la zone de balancement des marées sur le littoral de la Charente-Maritime est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l’association « Défense des milieux aquatiques » et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l’audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Le Méhauté, président, Mme Dumont, première conseillère, M. Bureau, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé

V. BUREAU

Le président,

Signé

A. LE MEHAUTE

Le greffier d’audience,

Signé

J.-P. CHANTECAILLE

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, Pour le greffier en chef, La greffière,

Signé

G. FAVARD


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