CONSEIL D’ETAT
N° 472401
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ASSOCIATION DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES
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Ordonnance du 7 avril 2023
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE JUGE DES RÉFÉRÉS
- l’article 1 er, en tant qu’il concerne les unités de gestion de l’anguille (UGA) Artois-Picardie, Seine-Normandie, Bretagne, Garonne-Dordogne-Charente-Gironde et Adour-cours d’eau côtiers et qu’il ne prévoit aucun encadrement des dates de pêche dans les deux prud’homies d’Agde et de Sète-Mole ;
- l’article 2 , en tant qu’il prévoit des périodes de pêche de l’anguille argentée majorées d’un mois et en pleine période de migration ;
- l’article 3 , en tant qu’il concerne les UGA Artois-Picardie, Seine-Normandie, Loire, Côtiers vendéens et Sèvre niortaise et Garonne-Dordogne-Gironde ;
- la condition d’urgence est satisfaite dès lors que l’arrêté contesté, en autorisant la pêche à l’anguille européenne dans le domaine maritime pendant certaines périodes en méconnaissance des dispositions du règlement (UE) n° 2023/194 du Conseil du 30 janvier 2023 qui en encadrent le calendrier en fonction des pics de migration de cette espèce, permettent une pêche excessive qui porte une atteinte grave, immédiate et potentiellement irréversible à l’objectif de restauration de cette espèce, dont la population a baissé de plus de 90 % en un demi-siècle, et qui se trouve dans un état critique de conservation ;
- qu’aucune urgence ne justifie le maintien des dispositions contestées, dès lors, d’une part, que les bénéfices environnementaux allégués de la pêche de la civelle à des fins de repeuplement ne sont pas démontrés et, d’autre part, que le gouvernement a la faculté de prendre un arrêté conforme au règlement européen, qui limitera les effets économiques allégués d’une suspension de leur exécution ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de certaines dispositions de l’arrêté contesté, qui fixe des périodes de fermeture de la pêche en méconnaissance des dispositions de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194 ;
- l’article 1 er de l’arrêté contesté, relatif à la pêche de l’anguille jaune, méconnaît les dispositions du ii) du a) du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194, qui imposent dans la sous-zone CIEM 7 une fermeture du 1 er septembre au 30 novembre 2023, et une période de fermeture supplémentaire de trois mois à déterminer par chaque Etat membre entre les mois de mars à juillet et le mois de décembre 2023, d’une part, en ce qu’il autorise la pêche de l’anguille jaune dans les eaux marines au nord de la pointe du Raz dans l’UGA Bretagne pendant la première quinzaine de septembre, d’autre part, qu’il fixe dans cette zone comme dans chacune des UGA Artois-Picardie et Seine-Normandie des périodes de fermeture supplémentaire qui ne sont pas conformes à ces exigences ;
- l’article 1 er de l’arrêté contesté méconnaît les dispositions du iii) du 4 a) de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194, qui imposent dans la sous-zone CIEM 8 une fermeture du 1 er novembre 2023 au 31 janvier 2024 , et une période de fermeture supplémentaire de trois mois à déterminer par chaque Etat membre entre le 1 er mars et le 30 septembre 2023 , en ce qu’il fixe dans les eaux marines au sud de la pointe du Raz dans l’UGA Bretagne comme dans chacune des UGA Garonne-Dordogne-Charente-Gironde et Adour-cours d’eau côtiers des périodes de fermeture supplémentaire de la pêche de l’anguille jaune qui ne sont pas conformes à ces exigences ;
- il méconnaît enfin les dispositions du a) du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194 en ce qu’il ne fixe aucune période de fermeture de la pêche de l’anguille jaune dans les prud’homies d’Agde et de Sète-Mole ;
- l’article 2 de l’arrêté contesté méconnaît, d’une part, les dispositions du 3 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194, relatives aux périodes de fermeture de la pêche en Méditerranée, en ce qu’il autorise la pêche de l’anguille argentée dans les UGA Corse et Rhône-Méditerranée du 1 er janvier au 31 mars 2023 , d’autre part, les dispositions du d) du 2 du même article, ainsi que le principe de non-régression énoncé à l’article L. 110 - 1 du code de l’environnement, en ce qu’il ajoute un mois aux périodes d’ouverture de cette pêche dans ces zones, au moment du pic migratoire des anguilles argentées, portant ainsi atteinte aux objectifs de conservation fixés par le règlement (CE) 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 et les plans nationaux de gestion existants ;
- l’article 3 de l’arrêté contesté méconnaît enfin les dispositions du b) du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194, qui imposent dans les sous-zones CIEM 7 et 8 une
période de fermeture du 1 er janvier au 31 mars 2024 et une période de fermeture supplémentaire de trois mois à déterminer par chaque Etat membre entre le 1 er mars et le 31 décembre 2023 en ce qu’il autorise la pêche de l’anguille de moins de douze centimètres dans les UGA Artois-Picardie, Seine-Normandie, Loire, Côtiers vendéens, Sèvre niortaise et Garonne-Dordogne-Charente-Gironde pendant la première période.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 et 31 mars 2023, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas satisfaite et qu’aucun des moyens soulevés n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté.
La requête a été communiquée à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi qu’au secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre, chargé de la mer, qui n’ont pas produit d’observations.
- Me Doumic-Seillier, avocate au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocate de l’association Défense des milieux aquatiques ;
- le président de l’association DMA ;
- les représentants du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ;
à l’issue de laquelle le juge des référés a prolongé l’instruction jusqu’au 31 mars à 17 heures ;
- le règlement (UE) n° 2023/194 du Conseil 30 janvier 2023 ;
- le règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 ;
- le code de l’environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l’arrêté du 20 octobre 2022 portant définition, répartition et modalités de gestion du quota d’anguille européenne (Anguilla anguilla) de moins de 12 centimètres pour la campagne de pêche 2022 - 2023 ;
- le code de justice administrative ;
- Aux termes de l’article L. 521 - 1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
En ce qui concerne le cadre réglementaire général des mesures pour la protection et l’exploitation durable du stock d’anguilles européennes :
- Le règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d’anguilles européennes établit un cadre pour la protection et l’exploitation durable du stock d’anguilles européennes de l’espèce Anguilla anguilla, espèce migratrice qui se reproduit dans la mer des Sargasses et grandit dans les eaux douces européennes, désormais classée dans la catégorie des espèces en situation de danger critique d’extinction. Aux termes de l’article 2 de ce règlement : « (…) 3. Les États membres élaborent un plan de gestion de l’anguille pour chaque bassin hydrographique tel que défini au paragraphe 1. / 4. L’objectif de chaque plan de gestion est de réduire la mortalité anthropique afin d’assurer avec une grande probabilité un taux d’échappement vers la mer d’au moins 40 % de la biomasse d’anguilles argentées correspondant à la meilleure estimation possible du taux d’échappement qui aurait été observé si le stock n’avait subi aucune influence anthropique. Le plan de gestion des anguilles est établi dans le but de réaliser cet objectif à long terme. / (…) 9. Chaque plan de gestion de l’anguille contient le calendrier prévu pour atteindre l’objectif en matière de taux d’échappement fixé au paragraphe 4, selon une approche progressive et en fonction du taux de recrutement envisagé, et comprend les mesures qui seront appliquées à partir de la première année de mise en œuvre du plan de gestion (…). » Aux termes de l’article 5 du même règlement : « 1. Sur la base d’une évaluation technique et scientifique effectuée par le comité scientifique, technique et économique de la pêche ou par un autre organisme scientifique approprié, le plan de gestion de l’anguille est approuvé par la Commission conformément à la procédure visée à l’article 30, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2371/2002. / 2. Les États membres mettent en œuvre les plans de gestion de l’anguille approuvés par la Commission, conformément au paragraphe 1, à partir du 1 er juillet 2009, ou le plus tôt possible avant cette date. / (…) ». Enfin, aux termes de l’article 7 du même règlement : « 1. Si un État membre autorise la pêche d’anguilles d’une longueur inférieure à 12 cm, (…) il réserve au moins 60 % de toutes les anguilles d’une longueur inférieure à 12 cm pêchées dans ses eaux chaque année destinées à la commercialisation en vue de servir au repeuplement dans les bassins hydrographiques de l’anguille (…). » Sur le fondement de ces dispositions, la Commission européenne a approuvé le 15 février 2010 le plan de gestion de l’anguille présenté par la France, qui définit neuf unités de gestion de l’anguille (UGA), qui correspondent à l’habitat naturel de l’anguille dans les bassins hydrographiques, dans les aires estuariennes et dans les aires maritimes de répartition de cette espèce.
En ce qui concerne le régime applicable à la pêche de l’anguille à ses différents stades de développement :
- En aval des limites transversales de la mer, l’article R. 922 - 47 du code rural et de la pêche maritime interdit la pêche de l’anguille en dehors des UGA. Le régime applicable à cette pêche dans la partie des UGA située en aval des limites transversales de la mer est défini par les articles suivants en fonction des stades de développement de l’anguille : anguille de moins de 12 centimètres (civelle), anguille jaune et anguille argentée.
- L’article R. 922 - 48 du code rural et de la pêche maritime interdit la pêche de l’anguille de moins de 12 centimètres. Il permet toutefois de déroger à cette interdiction sur la façade atlantique, en Manche et en mer du Nord pendant une période de cinq mois consécutifs au plus, fixée par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes et de l’aquaculture marine. Des quotas de captures sont fixés et répartis par UGA. Pour la saison de pêche entre le 1 er novembre 2022 et le 25 mai 2023, l’arrêté du 20 octobre 2022 portant définition, répartition et modalités de gestion du quota d’anguille européenne (Anguilla anguilla) de moins de 12 centimètres pour la campagne de pêche 2022 - 2023 fixe ce quota à 23,5 tonnes pour les anguilles destinées à la mise en consommation et à 35,25 tonnes pour les anguilles destinées au repeuplement.
- Aux termes de l’article R. 922 - 49 du code rural et de la pêche maritime : « I.
- La pêche professionnelle et de loisir de l’anguille jaune est autorisée en Manche et en mer du Nord, sur la façade atlantique et sur la façade méditerranéenne pendant une période fixée pour chaque unité de gestion par arrêté du ministre chargé des pêches maritimes et de l’aquaculture marine et du ministre chargé de la pêche en eau douce. ».
- L’article R. 922 - 50 du code rural et de la pêche maritime interdit la pêche de l’anguille argentée sur la façade atlantique, en Manche et en mer du Nord. Sur la façade méditerranéenne, la pêche de l’anguille argentée peut être pratiquée par les pêcheurs professionnels qui bénéficient d’une autorisation délivrée selon les modalités et pour une période fixée par un arrêté du ministre chargé des pêches maritimes et de l’aquaculture marine.
En ce qui concerne la fixation de périodes annuelles de fermeture de la pêche de l’anguille :
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La pêche de l’anguille a fait l’objet d’une fermeture de trois mois consécutifs en application des règlements annuels sur les possibilités de pêche pour les eaux de l’Union européenne de la zone CIEM depuis 2018 et pour la Méditerranée depuis 2019. Le règlement (UE) n° 2023/194 du Conseil 30 janvier 2023 établissant, pour 2023, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques, applicables dans les eaux de l’Union et, pour les navires de pêche de l’Union, dans certaines eaux n’appartenant pas à l’Union, et établissant, pour 2023 et 2024 de telles possibilités de pêche pour certains stocks de poissons d’eau profonde, a porté cette durée à six mois. Son article 13 dispose que : « (…) 2. Il est interdit d’exercer des activités de pêche commerciales de l’anguille d’Europe (Anguilla anguilla), en tant qu’es pèce cible ou en tant que prise accessoire, à tous les stades de développement, pendant une période d’au moins six mois. À cet effet, chaque État membre concerné détermine une ou plusieurs périodes de fermeture sous réserve de ce qui suit : / a) le cas échéant, la ou les périodes de fermeture peuvent varier au sein d’un État membre d’une zone de pêche à l’autre afin de tenir compte du schéma de migration géographique et temporelle de l’anguille à ses différents stades de développement ; / b) la ou lespériodes de fermeture ont une durée de six mois consécutifs ou une durée totale de six mois, conformément aux paragraphes 3 ou 4; et / c) par dérogation au point b), si l’État membre concerné détermine que la période de fermeture dans les sous-régions géographiques CGPM 1 à 27 commence le 1er mars 2023 ou après cette date, la période a une durée de six mois consécutifs; d) la ou les périodes de fermeture sont cohérentes avec les objectifs de conservation fixés par le règlement (CE) no 1100/2007, les plans nationaux de gestion existants et les schémas de migration temporelle de l’anguille d’Europe au stade de développement respectif dans l’État membre concerné. / 3. Dans les sous-régions géographiques CGPM 1 à 27, la période de fermeture s’étend du 1er janvier au 31 mars 2023, et une période de fermeture supplémentaire de trois mois doit être établie par chaque État membre concerné entre le 1er avril et le 30 novembre 2023. /4. Dans les sous-zones CIEM 3, 4, 6, 7, 8 et 9, les périodes de fermeture sont les suivantes: / a) pour l’anguille d’Europe d’une longueur totale de 12 cm ou plus: / (…) ii) dans les sous-zones CIEM 4, 6 et 7, du 1er septembre au 30 novembre 2023, et une période de fermeture supplémentaire de trois mois devant être déterminée par chaque État membre entre le 1er mars et le 31 juillet 2023 et décembre 2023 ; / iii) dans les sous-zones CIEM 8 et 9, du 1er novembre 2023 au 31 janvier 2024, et une période de fermeture supplémentaire de trois mois devant être déterminée par chaque État membre concerné entre le 1er mars et le 30 septembre 2023; / b) pour l’anguille d’Europe d’une longueur totale inférieure à 12 cm: / i) du 1er janvier au 31 mars 2024, et une période de fermeture supplémentaire de trois mois devant être déterminée par chaque État membre entre le 1er mars et le 31 décembre 2023 ; / ii) par dérogation au point i), chaque État membre concerné peut autoriser la pêche pendant un mois au cours de la période de fermeture qu’il a déterminée en vertu dudit point. Dans ce cas, l’État membre concerné détermine une période de fermeture supplémentaire d’un mois ; / iii) par dérogation supplémentaire au point i), chaque État membre concerné peut autoriser la pêche exclusivement destinée au repeuplement pendant un mois supplémentaire au cours de la période de fermeture qu’il a déterminée en vertu dudit point. Dans ce cas, l’État membre concerné détermine une nouvelle période de fermeture supplémentaire d’un mois ; / iv) l’application des points i) à iii), ne peut pas conduire à une situation dans laquelle l’État membre concerné autorise la pêche, entre le 1er janvier et le 31 mars 2023, pour une période supérieure à un mois plus un mois supplémentaire exclusivement pour le repeuplement. ».
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Par un arrêté du 28 octobre 2013, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le ministre délégué auprès du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ont fixé les dates de pêche de l’anguille européenne de moins de 12 centimètres. Par un arrêté du 5 février 2016, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a fixé les périodes de pêche de l’anguille européenne aux stades d’anguille jaune et d’anguille argentée.
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Par deux arrêtés du 9 mars 2023, le secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre, chargé de la mer a, d’une part, abrogé les arrêtés mentionnés au point 8 en tant qu’ils s’appliquent à la zone maritime, d’autre part, fixé de nouvelles dates de pêche de l’anguille européenne aux stades d’anguille de moins de 12 centimètres, d’anguille jaune et d’anguille argentée en domaine maritime. L’association Défense des milieux aquatiques demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521 - 1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution des dispositions de l’article 1 er du second de ces arrêtés, en tant qu’il concerne les UGA Artois-Picardie, Seine-Normandie, Bretagne, Garonne-Dordogne Charente-Gironde et Adour-cours d’eau côtiers et qu’il ne prévoit aucun encadrement des dates de pêche dans les deux prud’homies d’Agde et de Sète-Mole, de l’article 2 de cet arrêté en tant qu’il
prévoit des périodes de pêche de l’anguille argentée majorées d’un mois et en pleine période de migration et enfin de son article 3, en tant qu’il concerne les UGA Artois-Picardie, Seine- Normandie, Loire, Côtiers vendéens et Sèvre niortaise et Garonne-Dordogne-Charente-Gironde.
Sur l’existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :
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Le paragraphe 2 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194 impose à chaque Etat membre de fixer des périodes de fermeture de la pêche commerciale de l’anguille d’Europe d’aux moins six mois, consécutifs ou non consécutifs, et énonce les principes généraux qui s’appliquent à la fixation de ces périodes. Dans les zones CIEM 3, 4, 6, 7 8 et 9, qui comprennent la façade atlantique, la Manche et la mer du Nord, le paragraphe 4 impose une période de fermeture déterminée de trois mois, et une période de fermeture supplémentaire de trois mois devant être fixée par chaque Etat membre au sein d’un calendrier déterminé. Contrairement à ce que soutient en défense le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, il résulte des termes mêmes des paragraphes 2 et 4 de l’article 13 que les dispositions du paragraphe 4 sont applicables aussi bien dans le cas où la période de fermeture de la pêche comprend au moins six mois consécutifs que dans les autres cas.
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En revanche, en Méditerranée, il résulte la dérogation prévue au c) du 2 que, dans le cas où l’Etat membre détermine que la période de fermeture de la pêche commence le 1 er mars 2023 ou après cette date, cette période a une durée de 6 mois consécutifs, tandis que dans les autres cas, en application des dispositions combinées du b) du 2 et du 3, cette fermeture doit s’étendre du 1 er janvier au 31 mars 2023 et comprendre une période de fermeture supplémentaire de trois mois entre le 1 er avril et le 30 novembre 2023.
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En premier lieu, il n’est pas contesté que les périodes de fermeture de la pêche de l’anguille jaune fixées par l’article 1 er de l’arrêté litigieux, d’une part, dans les UGA Artois-Picardie et Seine-Normandie (du 16 juillet 2023 au 14 février 2024), d’autre part, dans l’UGA Bretagne (jusqu’au 14 avril 2023 et du 16 septembre 2023 au 14 avril 2024), en tant pour cette dernière qu’elles concernent les eaux marines au nord de la pointe du Raz, ne sont pas conformes aux dispositions du ii) du a) du paragraphe 4 de cet article, applicable dans la sous-zone CIEM 7 (qui comprend la Manche), qui imposent une fermeture du 1 er septembre au 30 novembre 2023 et une période de fermeture supplémentaire de trois mois devant être déterminée par chaque Etat membre entre le 1 er mars et le 31 juillet 2023 et décembre 2023. En effet, les périodes de fermeture supplémentaire qu’elles fixent ne s’inscrivent dans le calendrier fixé par ces dispositions que pour des durées limitées respectivement à un mois et demi pour les UGA Artois-Picardie et Seine-Normandie et deux mois et demi pour l’UGA Bretagne, dans laquelle une ouverture est en outre prévue du 1 er au 15 septembre 20 23. En outre, les périodes fixées, d’une part, dans les UGA Garonne-Dordogne-Charente-Gironde et Adour-cours d’eau côtiers (jusqu’au 31 mars 2023 et du 1 er octobre 2023 au 31 mars 2024) et Bretagne, en tant pour cette dernière qu’elles concernent les eaux marines au sud de la pointe du Raz, ne sont pas conformes aux dispositions du iii) du a) du 4 de cet article, applicable dans la sous-zone CIEM 8 (qui comprend la façade atlantique), qui imposent un fermeture du 1 er novembre 2023 au 31 janvier 2024, et une période de fermeture supplémentaire de trois mois devant être déterminée par chaque Etat membre concerné entre le 1 er mars et le 30 septembre 2023. En effet, les périodes de fermeture supplémentaire qu’elles fixent ne s’inscrivent dans le calendrier fixé par ces dispositions que pour des durées limitées
respectivement à un mois pour les UGA Garonne-Dordogne-Charente-Gironde et Adour-cours d’eau côtiers et deux mois pour l’UGA Bretagne. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce l’article 1 er de l’arrêté attaqué, en tant qu’il s’applique aux UGA Artois-Picardie, Seine-Normandie, Bretagne, Garonne-Dordogne-Charente-Gironde et Adour-cours d’eau côtiers, méconnaît les dispositions du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194 est, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.
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En second lieu, il résulte de l’instruction que la pêche de l’anguille jaune est interdite dans les prud’homies d’Agde et de Sète-Mole, qui ne sont pas incluses dans les secteurs de l’UGA Rhône-Méditerranée dans lesquels l’article 1 er de l’arrêté litigieux autorise cette pêche. Par suite, le moyen tiré de ce que cet article méconnaît les dispositions du a) du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194 en ce qu’il ne fixe aucune période de fermeture de la pêche de l’anguille jaune dans les prud’homies d’Agde et de Sète-Mole n’est pas, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.
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L’article 2 de l’arrêté attaqué autorise la pêche de l’anguille argentée dans les UGA Corse et Rhône Méditerranée jusqu’au 31 mars 2023, puis du 1 er octobre 2023 au 31 mars
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D’une part, dès lors qu’elles déterminent une période de fermeture commençant après le 1 er mars 2023, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que les dispositions en cause entrent dans le champ de la dérogation prévue par le c) du 2 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194. Par suite, l’association requérante ne saurait utilement soutenir qu’elles méconnaissent les dispositions du paragraphe 3 du même article qui imposent une période de fermeture du 1 er janvier au 31 mars 2023.
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D’autre part, le moyen tiré de ce que l’article 2 de l’arrêté attaqué méconnaît les dispositions du d) du 2 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194, ainsi que le principe de non-régression énoncé à l’article L. 110 - 1 du code de l’environnement, en ce qu’il porte la période d’ouverture de la pêche dans ces UGA, de cinq mois (du 15 septembre au 15 février) en application des dispositions de l’arrêté du 5 février 2016, à six mois (du 1 er octobre 2023 au 31 mars 2024), en y incluant le pic migratoire des anguilles argentées, portant ainsi atteinte aux objectifs de conservation fixés par le règlement (CE) 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 et les plans nationaux de gestion existants n’est pas, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées.
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Il n’est pas contesté que l’article 3 de l’arrêté attaqué n’est pas conforme aux dispositions du b) du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194 en ce qu’il autorise la pêche de l’anguille de moins de 12 centimètres dans les UGA Artois-Picardie, Seine-Normandie, Loire, Côtiers vendéens et Sèvre niortaise et Garonne-Dordogne-Charente-Gironde pendant tout ou partie de la période du 1 er janvier au 31 mars 2024, au-delà des dérogations prévues par ces dispositions. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’article 3 de l’arrêté litigieux méconnaît les dispositions du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194 en tant qu’il s’applique à ces
quatre UGA est, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ses dispositions.
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L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce.
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Le rapport publié en 2020 par la Commission européenne sur l’évaluation de la mise en œuvre du règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 et des plans de gestion des anguilles relève que la population des anguilles européennes a diminué de 90 % depuis les années 1960 et 1970. Le conseil international pour l’exploitation de la mer (CIEM), dans son avis de mai 2022 sur les plans de gestion de l’anguille, a indiqué qu’aucun progrès global n’avait été accompli en vue d’atteindre l’objectif de 40 % d’échappement de la biomasse d’anguilles argentées dans l’ensemble de l’UE fixé par les dispositions citées au point 2. Dans son avis du 3 novembre 2022, il a recommandé que les captures d’anguille soient nulles dans tous les habitats et à tous les stades de développement, dans l’ensemble de son aire de répartition naturelle. Le règlement (UE) n° 2023/194, au vu de ces recommandations, a porté à six mois la durée de fermeture de la pêche, et encadré le calendrier de ces fermetures dans certaines zones notamment compte tenu des périodes de migration des anguilles et des pics de capture aux différents stades de leur cycle de vie.
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En l’absence de quotas, la fixation des périodes de pêche est, dans les zones où elle est autorisée, la seule mesure de régulation de la pêche de l’anguille jaune. Il résulte de l’instruction que l’article 1 er de l’arrêté attaqué, en fixant pour l’anguille jaune, dans les UGA mentionnées au point 12 , des périodes de fermeture de la pêche qui ne s’inscrivent pas dans le calendrier fixé par le règlement (UE) n° 2023/194, est susceptible de porter à sa conservation dans ces zones une atteinte grave et immédiate. Il résulte de l’instruction que l’anguille jaune est pêchée principalement en Méditerranée et que les pêches dans la Manche et sur la façade atlantique ne représente que 7,5 % du volume des pêches en 2021. Dans ces conditions, l’interruption de cette activité dans la Manche et sur la façade atlantique ne paraît pas susceptible d’affecter de nombreuses entreprises de pêche. En outre, la suspension des dispositions contestées n’empêche pas l’autorité compétente de prendre dans un bref délai, dans l’attente de la décision au fond du Conseil d’Etat, un arrêté provisoire qui permettra la reprise de cette activité dans des conditions conformes aux dispositions du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194. Par suite, l’urgence justifie la suspension de l’exécution des dispositions de l’article 1 er dans les UGA mentionnées au point 12.
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Il résulte de l’instruction que le quota de pêche pour les anguilles de moins de 12 centimètres destinées à la mise en consommation pour la période du 1 er novembre 2022 au 25 mai 2023, mentionnée au point 4, a été entièrement utilisé, tandis que le quota pour anguilles destinées au repeuplement n’a été consommé qu’à 75 %. Par suite, la civelle ne peut jusqu’au 25 mai 2023 être pêchée qu’à des fins de repeuplement. Dans ces conditions, aucune urgence ne justifie la suspension de l’exécution de l’article 3 de l’arrêté attaqué dans les UGA mentionnées au point 17 jusqu’au 25 mai 2023.
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En revanche, à compter de l’ouverture de nouveaux quotas de pêche pour la consommation, compte tenu de ce qui a été dit au point 19, il résulte de l’instruction que l’article 3 de l’arrêté attaqué, en autorisant dans les UGA mentionnées au point 17 la pêche de la civelle pendant tout ou partie de la période du 1 er janvier au 31 mars 2024 , au-delà des dérogations prévue par les dispositions du b) du 4 l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194, qui a imposé une fermeture de la pêche pendant cette période en tenant compte des pics migratoires, est susceptible de porter à la conservation de l’anguille dans ces zones une atteinte grave et immédiate. Si l’arrêt éventuel de l’activité de pêche à la civelle à compter du 26 mai 2023 est susceptible de porter atteinte à l’équilibre économique de nombreuses entreprises de pêche, la suspension des dispositions contestées à compter de cette date n’empêche pas l’autorité compétente de prendre dans un bref délai, dans l’attente de la décision au fond du Conseil d’Etat, un arrêté provisoire qui fixera, pour la période du 26 mai 2023 au 31 mai 2024, des périodes d’ouverture et de fermeture de la pêche conformes aux dispositions du b) du 4 de l’article 13 du règlement (UE) n° 2023/194, et qui permettra la poursuite de cette activité dans le respect de ce nouveau calendrier et de nouveaux quotas de pêche. Dans ces conditions, l’urgence qui, ainsi qu’il a été dit, doit s’apprécier objectivement et globalement, justifie la suspension de l’exécution de l’article 3 dans les UGA mentionnées au point 17 à compter du 26 mai 2023.
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Il résulte de ce qui précède que l’association requérante est fondée à demander la suspension de l’exécution des articles 1 er et 3 de l’arrêté attaqué dans la mesure indiquée aux points 20 et 22.
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La suspension de l’exécution des dispositions mentionnées au point 23 n’implique pas que l’autorité compétente prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé. Les conclusions à fin d’injonction doivent par suite être rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : L’exécution de l’article 1er de l’arrêté du 9 mars 2023 du secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre, chargé de la mer est suspendue en tant qu’il concerne les unités de gestion de l’anguille (UGA) Artois-Picardie, Seine-Normandie, Bretagne, Garonne-Dordogne-Charente- Gironde et Adour-cours d’eau côtiers.
Article 2 : L’exécution de l’article 3 de l’arrêté du 9 mars 2023 du secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre, chargé de la mer est suspendue à compter du 26 mai 2023 en tant qu’il concerne les UGA Artois-Picardie, Seine-Normandie, Loire, Côtiers vendéens et Sèvre niortaise et Garonne-Dordogne-Charente-Gironde.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association Défense des milieux aquatiques ainsi qu’à la Première ministre, au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au secrétaire d’Etat auprès de la Première ministre, chargé de la mer.